vendredi 23 avril 2010

Roland Hureaux se demande si au-delà des polémiques sur le pape, nous ne serions pas en train d’assister à un basculement géopolitique...


... Tandis que Moscou se rapproche de Rome, le monde anglosaxon entre en guerre contre la Vatican.

source : Marianne 

Le bruit médiatique considérable qui a touché l’Eglise catholique au cours des mois passés, a été l’occasion d’un reclassement, passé relativement inaperçu, dont les conséquences géopolitiques pourraient être considérables.
On se souvient que dans La guerre des civilisations (1996), Samuel Huntington opposait la civilisation dite « occidentale », Amérique du Nord et Europe de l’Ouest, tant catholique que protestante, à la civilisation « orthodoxe », Russie, Grèce, Serbie, etc., alors même que les différences théologiques entre catholiques et orthodoxes sont infiniment plus ténues que celles qui séparent Rome des différentes « dénominations » protestantes.
C’est cette césure qui pourrait aujourd’hui être remise en cause.
Qui n’a remarqué en effet, dans les tourmentes successives qui ont secoué la papauté : discours de Ratisbonne, levée de l’excommunication des lefévristes, prévention du SIDA en Afrique, mémoire de Pie XII, et qui ont culminé, ces dernières semaines, avec la question des abus sexuels de mineurs ( une expression que nous préférons à celle de « pédophilie », ce dont il s’agit étant à l’évidence de l’ordre de l’eros et non de la philia) imputés au clergé, l’appui sans faille de la Russie à la papauté ? Tant celui du patriarcat de Moscou que du gouvernement russe.
Qui l’eut cru ? La Pravda, elle-même, jadis organe du parti communiste, dénonce les « attaques déloyales » contre Benoît XVI.
Les faveurs dont son prédécesseur polonais n’avait jamais bénéficié, n’ont pas été marchandées au pape allemand.
L’étonnant « pèlerinage » du chef de l’Etat russe à Notre-Dame de Paris, pour vénérer la couronne d’épines que Saint Louis y aurait ramenée, s’inscrit dans la même volonté d’ouverture au monde catholique.
On dira que tout cela est politique. Bien entendu. Mais les grands événements de l’histoire religieuse, de la conversion de Constantin et de Clovis, au schisme de 1054 entre Rome et Constantinople, du ralliement des princes allemands à Luther au Concordat de 1801, ne furent-ils pas tous politiques ?
A l’inverse, qui n’a aperçu que les attaques les plus virulentes contre le pape sont parties du monde anglo-saxon ? Le New York Times s’est trouvé à cet égard particulièrement en flèche ? Des scientifiques anglais et américains voudraient même déférer Benoît XVI devant la Cour pénale internationale ! Au cœur de l’affaire Williamson on trouvait déjà le Spiegel, reflet d’une Allemagne protestante qui, quoique sécularisée, demeure anticatholique.
Il faut bien le dire : la France, dont l’anticléricalisme fut longtemps proverbial, s’est trouvée dans la plupart de ces affaires, en position de suivisme, les organes de presse les plus remontés contre le pape étant ceux dont la ligne pro-atlantique est la plus affirmée, les mêmes qui, par exemple, criaient le plus fort haro sur les Serbes il y a dix ans.
Sans doute les Etats-Unis sont-ils loin d’être unanimes sur la question religieuse. Deux blocs s’y affrontent avec une rare violence, principalement sur la question de l’avortement. Mais New York demeure l’épicentre du milieu WASP (white anglo-saxon protestant), qui domine la sphère occidentale depuis au moins un siècle et où l’on nourrit depuis le XVIIe siècle une solide animosité à l’égard de l’Eglise romaine.
Tout au long de la guerre froide, cette hostilité avait été rentrée, l’Eglise catholique apparaissant à partir de 1945 comme un allié objectif contre le communisme. Dans les quinze années qui ont suivi la chute du rideau de fer, Jean Paul II , polonais élu en 1978 a encore bénéficié de cette bienveillance. C’est peut-être la raison pour laquelle, il fut si timide dans la condamnation de la guerre de Yougoslavie.
Par rapport à ce schéma, il est clair aujourd’hui que les temps ont changé.
De même que les Etats-Unis supportaient de moins en moins la « différence » française et ont trouvé en Nicolas Sarkozy un agent efficace de normalisation -, tout se passe comme si une partie du monde anglo-saxon supportait de moins en moins la « différence » catholique.
Au sein de l’Eglise catholique elle-même, certains se demandent si elle a, la menace communiste passée, encore beaucoup à gagner à demeurer intégrée à une sphère occidentale où elle se trouve de plus en plus marginalisée. Dès lors que l’Europe commence à basculer, au XVIIIe siècle d’abord, puis, de manière définitive, à partir de 1815, vers une prééminence culturelle anglo-américaine, et que, de manière souvent inconsciente, les Européens ont intégré que la modernité sous toutes ses formes vient du Nord-Est , les pays de tradition catholique ne sont-ils pas devenus les « cousins de province » ?
Une marginalisation non seulement géographique mais historique : dans le même imaginaire, l’histoire moderne se réduit à une cascade d’ émancipations, qui commence avec la réforme protestante, se poursuit avec les Lumières ( françaises mais déjà très anglophiles) et s’accomplit dans l’univers libéral-libertaire , la tradition catholique n’apparaissant dans un tel schéma, que comme une survivance.
A l’évidence les signaux forts que Moscou a envoyés à Rome ne resteront pas sans effet. Les réponses du Vatican sont certes moins visibles que les avances du Kremlin mais qui ignore que le rapprochement si controversé avec les lefévristes, inséparable du souci de restaurer la liturgie, a pour arrière-plan la volonté de se rapprocher de l’orthodoxie, attachée à des rites encore plus anciens ? Si, comme beaucoup le pensent, la différence entre Rome et Moscou est plus politique que théologique, un grand pas aura été accompli ces derniers jours dans cette direction.
Le déchaînement croissant du monde libéral à l’égard de l’Eglise catholique est-il la cause ou la conséquence de cette évolution ? La crise actuelle est- elle le prélude à une remise en cause du schéma huntingtonien qui avait, jusqu’ici, structuré notre conception du monde , le début d’ une « dérive des continents » débouchant sur une nouvelle géographie des civilisations ? Il est à l’évidence trop tôt pour le dire.

dimanche 11 avril 2010

Akhenaton, Smenkhkarê et Tutankhamon : nouvelles perspectives ?


Freu J. Freu répond à Z. Hawass concernant les nouvelles propositions sur la filiation de Tutankhamon.

Humeur : "Horaire des nouvelles grandes marées du siècle"


Notre société actuelle ne cesse de se nourrir  de statistiques indigestes qui entretiennent à la fois un climat de peur panique et une tension permanente tout en nous faisant croire que des initiatives sont  prises pour résoudre par exemple,  le problème des milliers de voitures brûlées chaque année. D’ailleurs, ce fait de société est presque devenu  un phénomène naturel. Il est appréhendé comme le flux et le reflux des grandes marées. Nous pouvons même indiquer les moments les plus critiques de ces tristes événements par les nombreux observatoires chargés d’en analyser les causes et d’en trouver les solutions, avec des graphiques forts éloquents que les ordinateurs peuvent exploiter.
  La violence à l’école est aussi vécue comme un phénomène naturel avec des observatoires où des cartes très précises de la montée de la violence avec ces degrés de température maximale et, les mois et les années record où ils ont été atteints. Certes, des progrès restent à faire dans ce domaine.
 Ces statistiques sont faites essentiellement pour mesurer, quantifier ces phénomènes et, toujours mieux affiner les précieux détails ;  nous permettons  d’appréhender ces situations devenant toujours plus complexes, avec plus de réalisme.
 Le taux de suicides a également ses flux et reflux. Des calendriers nous établissent les moments les plus critiques qui nous permettront de toujours mieux prévoir, dans une perspective de prévention.
 Le nombre de cartes bancaires volées connaît lui aussi ses piques de croissance et ses accalmies qui sont à mettre au crédit de la vigilance des institutions bancaires.
  Enfin les statiques ne sont elles pas là pour nous redonner la sécurité dont nous avons tant besoin ? Nous maîtrisons depuis longtemps le phénomène des marées pourquoi donc se décourager devant le phénomène de la violence dans les établissements scolaires ? Ne verrons nous pas le jour où dans une cour de récréation les élèves pourront eux mêmes les  surveiller  et, faire cohabiter l’agneau et le loup ?
 Ces variations dans le domaine des statistiques font l’objet de commentaires sans fin mais, soyons réalistes .Il s’agit d’affecter à tous ces résultats un coefficient de relativité qui laisse une porte ouverte sur des jours meilleurs. Comparons déjà  nos résultats avec ceux  des autres pays.
 Une autre façon de procéder pourrait nous permettre d’envisager les résultats avec plus d’optimisme. Pourquoi ne pas dénombrer le nombre de voitures qui n’ont pas été brûlées année par année ou, encore le nombre d’élèves qui n’ont jamais été victimes d’agression ?
Enfin, ne faut-il pas tenir compte de l’effet des marées sur toutes ces statistiques ?
Christian Bac          

samedi 10 avril 2010

Bossuet


Jean-Michel Delacomptée, Ecrivain et Jacques Le Brun, directeur d'études honoraire à l'École pratique des hautes études, (section des Sciences religieuses, chaire d'Histoire du catholicisme moderne) reviennent, avec Alain Finkielkraut, sur l'aigle de Meaux.

vendredi 9 avril 2010

Controverse sur le mot "barbare"


Les prescripteurs d'opinion dont on ne peut ignorer la puissance, ne prennent que très rarement le temps de définir les concepts qu'ils emploient ; ils sont pour eux des armes rhétoriques, dont seule la capacité persuasive importe. Le mot "racisme" a fait partie de cet arsenal et on sait que toute forme de contestation du système était alors bannie en son nom, et tout contestataire chassé comme jadis les lépreux des villages. Dans ce même esprit, user du mot "barbare", même dans un livre d'histoire, peut vous valoir un procès en sorcellerie. C'est pourquoi, nous voudrions revenir sur ce terme en proposant quelques articles. Le premier que nous proposons aujourd'hui est un article de Paul Mirault publié dans la revue Kubaba en 2005.
Civilisation et barbarie dans une perspective thomiste

vendredi 2 avril 2010

Souffrance du Christ


Alors que le Christianisme apparaît au premier siècle de notre ère dans l'empire romain, les images qui représentent le Christ ne se développent qu'à partir de la seconde moitié du IIIème siècle dans un contexte essentiellement funéraire. Il est aisé de comprendre que cette iconographie s'inspire de la société dans laquelle elle naît. Ainsi, les premières représentations du Christ sont la reprise de schémas iconographiques romains classiques : l'image du bon pasteur – une représentation d'un jeune berger vêtu d'une tunique courte et tenant sous son bras un agneau – peut autant se trouver en contexte païen que chrétien. On trouve un de ces bons pasteurs dans la catacombe de Calliste à Rome, daté de la fin du IIIème siècle.
De la même manière, on remarque une adaptation de l'iconographie impériale et d'Apollon dans ce décor de mosaïque représentant Sol Invictus ("Soleil invaincu"), voûte du Mausolée des Julii, basilique Saint-Paul, Rome, IVe s.
Ce n'est qu'à partir du VIIIe siècle que se développent les images autour de la mort du Christ (Passion, descente aux limbes...) qui permettent ainsi d'insister sur le salut de l'Humanité. Les représentations de la croix sont d'ailleurs une des seules images autorisées pendant la période iconoclaste (726-843) de l'empire byzantin, en témoigne la conque de l'abside de l'église sainte Irène, après 740, Constantinople (Istanbul).
Mais les premières représentations de la souffrance du Christ dans l'empire byzantin n'apparaissent pas avant le XIIe siècle. Elle permettent d'insister sur sa nature humaine. De nouvelles scènes sont visibles sur les programmes peints des églises tels que la descente de croix et le thrène – déploration du Christ mort par la Vierge comme celle de l'église saint Panteleimon de Nerezi (Macédoine), 1164.
En parallèle se développent les représentations de la Vierge Eleousa, vierge de tendresse emplie de tristesse puisque connaissant le sacrifice futur de son fils. L'exemple le plus connu est celui de la Vierge de Vladimir, Ière moitié du XIIe siècle, Galerie Tretiakov, Moscou.
Dans le monde occidental, l'insistance sur les souffrances du Christ est plus tardive. Les scènes de crucifixion se développent à partir de la fin du XIIIeme siècle et sont très courantes jusqu'au XVème siècle. Les fidèles, qui ont subit l'épidémie de la Grande Peste (1347-1351) ainsi que la Guerre de Cent Ans (1337-1453) peuvent ainsi s'identifier aux Christ et partager leurs souffrances. L'accent est mis sur les détails :
plaies, aspect squelettique, larmes, couronne d'épines...
Plusieurs œuvres témoignent de ces mutations :
triptyque de Saint Sulpice du Tarn, atelier parisien, fin du XIIIeme siècle, Musée National Du Moyen-Age
Grande Pieta Ronde, Jean Malouel, vers 1400, Musée du Louvre,
Pieta de l'église Villeneuve-lès-Avignon, Enguerrand Quarton, vers 1450, Musée du Louvre
Là encore se développent en parallèles les images de la Vierge de Pitié et la Vierge de Douleur.
Pieta, église de l'abbaye de Jouarre, début du XVeme siècle
Il est intéressant de noter que c'est également dans ces années 1400 que se développent les images de gisant à caractère morbide tel le gisant de Guillaume de Harcigny, musée de Laon. Ces cadavres décharnés sont bien la preuve d'une réflexion nouvelle sur la mort. 
 Marie Pellet (Université de Paris 1)