Alors que le Christianisme apparaît au premier siècle de notre ère dans l'empire romain, les images qui représentent le Christ ne se développent qu'à partir de la seconde moitié du IIIème siècle dans un contexte essentiellement funéraire. Il est aisé de comprendre que cette iconographie s'inspire de la société dans laquelle elle naît. Ainsi, les premières représentations du Christ sont la reprise de schémas iconographiques romains classiques : l'image du bon pasteur – une représentation d'un jeune berger vêtu d'une tunique courte et tenant sous son bras un agneau – peut autant se trouver en contexte païen que chrétien. On trouve un de ces bons pasteurs dans la catacombe de Calliste à Rome, daté de la fin du IIIème siècle.
De la même manière, on remarque une adaptation de l'iconographie impériale et d'Apollon dans ce décor de mosaïque représentant Sol Invictus ("Soleil invaincu"), voûte du Mausolée des Julii, basilique Saint-Paul, Rome, IVe s.
Ce n'est qu'à partir du VIIIe siècle que se développent les images autour de la mort du Christ (Passion, descente aux limbes...) qui permettent ainsi d'insister sur le salut de l'Humanité. Les représentations de la croix sont d'ailleurs une des seules images autorisées pendant la période iconoclaste (726-843) de l'empire byzantin, en témoigne la conque de l'abside de l'église sainte Irène, après 740, Constantinople (Istanbul).
Mais les premières représentations de la souffrance du Christ dans l'empire byzantin n'apparaissent pas avant le XIIe siècle. Elle permettent d'insister sur sa nature humaine. De nouvelles scènes sont visibles sur les programmes peints des églises tels que la descente de croix et le thrène – déploration du Christ mort par la Vierge comme celle de l'église saint Panteleimon de Nerezi (Macédoine), 1164.
En parallèle se développent les représentations de la Vierge Eleousa, vierge de tendresse emplie de tristesse puisque connaissant le sacrifice futur de son fils. L'exemple le plus connu est celui de la Vierge de Vladimir, Ière moitié du XIIe siècle, Galerie Tretiakov, Moscou.
Dans le monde occidental, l'insistance sur les souffrances du Christ est plus tardive. Les scènes de crucifixion se développent à partir de la fin du XIIIeme siècle et sont très courantes jusqu'au XVème siècle. Les fidèles, qui ont subit l'épidémie de la Grande Peste (1347-1351) ainsi que la Guerre de Cent Ans (1337-1453) peuvent ainsi s'identifier aux Christ et partager leurs souffrances. L'accent est mis sur les détails :
plaies, aspect squelettique, larmes, couronne d'épines...
Plusieurs œuvres témoignent de ces mutations :
triptyque de Saint Sulpice du Tarn, atelier parisien, fin du XIIIeme siècle, Musée National Du Moyen-Age
Grande Pieta Ronde, Jean Malouel, vers 1400, Musée du Louvre,
Pieta de l'église Villeneuve-lès-Avignon, Enguerrand Quarton, vers 1450, Musée du Louvre
Là encore se développent en parallèles les images de la Vierge de Pitié et la Vierge de Douleur.
Pieta, église de l'abbaye de Jouarre, début du XVeme siècle
Il est intéressant de noter que c'est également dans ces années 1400 que se développent les images de gisant à caractère morbide tel le gisant de Guillaume de Harcigny, musée de Laon. Ces cadavres décharnés sont bien la preuve d'une réflexion nouvelle sur la mort.
Marie Pellet (Université de Paris 1)
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