vendredi 1 avril 2011

Vatican II, une nouvelle religion ?


Un petit fascicule intitulé "Carême à domicile" a été distribué dans certaines paroisses dont l'un des articles mérite tout particulièrement d'être analysé. 
"Dans l'épître aux Galates, Paul évoque une altercation qu'il eut avec Pierre, alors que tous deux se trouvaient à Antioche. Pierre, à son arrivée dans cette ville, et malgré l'interdit de la loi juive, avait commencé à prendre ses repas avec les païens qu'avaient évangélisés Paul, Tite et Barnabas. Mais après l'arrivée de chrétiens issus du judaïsme, qui redoutaient d'abandonner les pratiques de leurs pères et voulaient même les imposer aux nouveaux chrétiens (tels la circoncision ou certains interdits alimentaires), Pierre se retire pour rester seul avec les circoncis. Paul dénonce sa dérobade, comprenant aussitôt le risque d'une coupure inacceptable de la communauté chrétienne. Ce n'est plus le respect rigoureux de la loi qui compte, proclame-t-il, mais bien la vérité de l'Evangile.
Episode précieux pour nous, chrétiens d'après Vatican II. Quelques-uns parmi nous ne sont-ils pas inquiets, tels certains circoncis de jadis, à l'idée d'abandonner les "pratiques de leurs pères" ? Relisons la Lettre aux Catholiques de France, publiée en 1996, que nous adressèrent nos évêques : elle note que nous sommes en train de changer de monde et de société, nous invite à accueillir le don de Dieu dans des conditions nouvelles, et à retrouver en même temps le geste initial de l'évangélisation, celui de la proposition simple et résolue de l'Evangile du Christ (...) A chaque époque, précisent-ils encore, les croyants sont appelés à ressaisir d'une façon particulière le sens de la Parole que Dieu leur adresse.
Ne soyons pas inquiets devant les changements qui surviennent aujourd'hui. Ayons confiance dans la promesse de Jésus : 
"Lorsque viendra l'Esprit de vérité, il vous fera accéder à la vérité tout entière (...)
Il me glorifiera car il recevra de ce qui est à moi et il vous le communiquera" (Jean 16,13-14)

Quelques remarques sur ce petit texte.
Si l’on se reporte à cette méditation prévue le 21 mars, on lit une page qui incite à suivre fidèlement les consignes de Vatican II. On s’appuie sur l’Epître aux Galates où Paul relate une altercation avec Pierre. Le texte très connu concerne le respect de la tradition juive face à la vérité de l’Evangile. De façon analogue aujourd’hui on devrait suivre aveuglement Vatican II. Le parallèle établi est curieux. Le texte proposé à la méditation semble suggérer que  Vatican II prêche  une nouvelle religion. Pour le dire autrement, il est suggérer que le passage de l'ancienne alliance à l'Evangile, se reproduirait dans celui de l'église pré-conciliaire à l'église post-conciliaire. pourtant, le même Paul nous avertit que l'Evangile est le dernier mot de la Révélation et que nous devons en attendre aucun autre : "Eh bien ! si nous-même, si un ange venu du ciel vous annonçait un évangile différent de celui que  nous vous avons prêché, qu'il soit anathème !" (Galates 1,8), et il précisait aux versets 6 et 7 qu'il n'y a qu'un Evangile et que ceux qui prêchent une autre révélation jettent le trouble parmi les fidèles. Nous pourrions encore citer la seconde épître aux Corinthiens 11,3-4 : "Mais j'ai bien peur qu'à l'exemple d'Eve, que le serpent a dupée par son astuce, vos pensées ne se corrompent en s'écartant de la simplicité envers le Christ. Si le premier venu en effet prêche un autre Jésus que celui que nous avons prêché, s'il s'agit de recevoir un Esprit différent de celui que vous avez reçu, ou un Evangile différent de celui que vous avez accueilli, vous le supportez fort bien." Paul veut certainement évoquer un Jésus psychique et non l'homme nouveau assumé par Dieu, et il faut bien entendu entendre cette phrase au conditionnel et non pas à l'indicatif.
Pour autant, il ne faut pas non plus croire que l'Evangile est un cadavre. Il est vivant puisqu'il est la Parole de Dieu adressée aux hommes. Autre chose est donc la Parole, autre chose l'intelligence que nous en avons, puisque ce n'est pas la lettre qui vivifie mais l'Esprit. Il y a donc un développement dogmatique de cette intelligence de la Parole. Ce développement ne devant, bien entendu, jamais être en contradiction avec lui-même, car il faudrait alors admettre que ce que l'Eglise a enseigné concernant la foi pourrait être faux, et que ce qu'elle enseigne aujourd'hui pourrait n'être pas plus crédible. Cette intelligence dogmatique de la Parole est donc comme une graine de sénevé qui finit par devenir un arbre majestueux : l'arbre est plus imposant que la graine, mais pourtant il n'est que cette graine. En aucun cas, ce développement ne pourrait nous faire admettre que d'une graine de sénevé puisse surgir un chêne. Il y a dans la graine toute l'information nécessaire à la croissance de l'arbre, et il n'y a rien de plus dans l'essence de l'arbre que dans celle de la graine.
Notre époque, invoquée par le texte, ne saurait changer la vérité de l'Evangile ! Cette époque n'a absolument rien de particulier concernant ce développement, sinon que nos connaissances cosmologiques, biologiques, anthropologiques, neurologiques peuvent nous aider à mieux comprendre certains passages de la Révélation écrite. Il est évident que la connaissance que nous avons de notre constitution psychique, par exemple, ne peut que nous aider à comprendre ce que Paul veut dire lorsqu'il parle du vieil homme (psychique) qui précèdent l'homme nouveau (pneumatique). Mais en aucun cas les caractéristiques sociologiques de la modernité ne peuvent changer quoi que ce soit à l'information évangélique ! Or, la lecture de ce texte n'évoque pas les découvertes scientifiques, mais nous laisse plutôt penser que ce sont les  conditions sociales nouvelles qui sont évoquées. Devrions-nous alors adapter le message métaphysique, ontologique du Christ pour le rendre plus acceptable aux yeux de ce monde soumis au règne de l'Homme ? N'est-ce pas l'abandon de la prétention au règne social du Christ qui est ici prêchée ? Le texte parle en effet de retrouver le geste initial de l'évangélisation; nous pouvons le comprendre de deux façons : soit il nous est demandé de faire comme saint Paul : de convertir les nations ; soit il nous est demandé d'abandonner l'idée que les nations puissent être chrétiennes et en conséquence de ne pas faire sortir l'Evangile de la sphère privée. Dans le premier cas, nous obéissons à l'ordre du Christ : "Allez donc, de toutes les nations faites des disciples" (Matthieu 28,19); dans le second nous pensons que Dieu n'a pas le droit de cité et nous obéissons aux associations philosophiques des Lumières qui combattirent le catholicisme pour qu'il laisse la place au règne de l'Homme, et de manière plus pragmatique aux banques privées. Il faut se souvenir en effet que l'Eglise a toujours nourri une belle défiance à l'encontre du commerce de l'argent et qu'elle était un obstacle politique à l'épanouissement des puissances d'argent. Elle voulait protéger les hommes de ce nouvel esclavagisme qui apparaît de plus en plus clairement aujourd'hui : les individus mis au service de l'Argent. Il faut reconnaître que la mondialisation de ce pouvoir constitue une  nouveauté historique et une victoire de la puissance ante-christique... est-ce à cette nouveauté que nous devons adapter le message du Christ ? Lui aussi est-il convier à se soumettre au Léviathan ?
Pierre Essain et Jean Jacobie

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