Koutoubia, Paris 2009, ISBN 9 782753 804074. 18, 90 €.
le livre du Père Michel Lelong est en vente sur notre site dans la rubrique "lectures proposées".
L’idée qui organise le livre est que les relations conflictuelles entre l’Islam et l’Occident ne sont dues qu’à des incompréhensions mutuelles. Même s’il a existé à certaines époques et dans certains contextes d’étonnantes rencontres. Le livre est d’une grande richesse et contient de nombreux documents d’une grande importance. On lira notamment avec les pages qu’il consacre aux écrits et aux déclarations de Benoit XVI sur la question.
Le père Lelong justifie totalement la mise en œuvre de l’œcuménisme actuelle et les tentatives de rapprocher les différentes religions. Il justifie notamment la rencontre d’Assise en expliquant seulement que la finalité n’a pas été suffisamment explicitée. A plusieurs reprises il souligne que le Vatican n’a jamais tenté de réaliser un syncrétisme entre les religions.
On sait que l’œcuménisme est au centre du débat entre la Fraternité saint Pie X et l’Eglise conciliaire. On rappellera quelques-unes des analyses de la Fraternité saint Pie X[1] :
Les trois religions monothéistes en dépit de leur origine commune se contredisent nettement. Pour deux religions, le dogme de la Trinité est compris comme étant un blasphème. L’incarnation de Dieu et celle de la divinité de J. C. est un blasphème.
Comment admettre que Dieu aurait livré aux hommes des révélations différentes et successives ? Donc une des religions est vraie, les deux autres sont fausses. C’est en vain qu’on prétend échapper à l’enseignement du Christ. Les juifs et els musulmans refusent farouchement la divinité du Christ. Ceux qui refusent le Christ ne peuvent honorer le Père qui l’a envoyé.
On passe donc sous silence, les désaccords irréductibles entre les trois religions au nom de l’impératif œcuménique. Or l’expression monothéisme est une expression globalementfausse qui crée l’illusion d’une unité là il y a désaccord profond. L’ Eglise conciliaire a fondé ses espoirs sur l’obtention de la paix avec comme base le socle de la réconciliation entre les trois religions monothéistes. C’est une illusion totale et la paix ne sera jamais obtenue en dehors du Christ ; de plus ce faux œcuménisme a provoqué des dégâts considérables au sein de l’Eglise.
Le débat.
On voit donc que sur cette question la position du Père Lelong s’oppose frontalement à celle de beaucoup de « traditionalistes » qui s’appuient fortement sur cet enseignement qu’hors de l’Église, il n’y a pas de salut. Toute l’ambigüité volontaire de cette formule apparaît dès lors qu’il est admis que l’Église mystique, le Corps du Christ, n’a pas les mêmes frontières que l’Église temporelle. Par ailleurs, l’ignorance de l’Islam, où se trouvent la majorité des catholiques, mais également l’histoire des invasions arabes et des croisades, ne peuvent que nourrir les fantasmes. Le Père Lelong s’appuie quant à lui sur une grande connaissance de l’Islam qu’il a fréquenté de près depuis bien longtemps, ce qui, reconnaissons-le, lui donne une certaine légitimité pour en parler raisonnablement… De plus, depuis les attentats du « World-trade-Center », les musulmans sont suspectés collectivement de soutenir le terrorisme, ce qui ne fait que raviver les défiances. Il est donc important que des catholiques restent charitablement hors de la mêlée, et se gardent d’épouser les humeurs contradictoires du monde, ce qui suppose un certain courage, tant il est vrai qu’il est périlleux de penser librement dans notre société.
Nous pensons comme l’abbé Michel Lelong que le refus de ces fantasmes, plus ou moins guidés par les diverses propagandes qui voudraient prendre le contrôle de nos pensées,sont la marque d’un cœur ferme et que telle doit être la position du catholique ; il doit refuser de se laisser aller aux vieilles injonctions du cerveau animal contre lequel nous devons lutter. Il est donc juste de vouloir la paix, la justice et ainsi faisant de vouloir connaître l’autre pour ce qu’il est et non pour ce qu’on voudrait s’imaginer qu’il est. L’abbé Lelong qui s’est consacré à cette mission depuis bien longtemps peut donc trèslégitimement parler du monde musulman. Il est également légitime de vouloir mettre en évidence ce qui nous rapproche de cette religion ; pourquoi faudrait-il toujours ne porter notre attention et ne donner d’importance qu’à ce qui divise, nous oppose ? C’est là une manière désastreuse d’entamer un dialogue ! Pourquoi donc les oppositions, les divergences seraient-elles plus importantes, plus déterminantes que les similitudes ? Cette pente psychologique de l’esprit humain, qui se nourrit de la volonté de puissance, nourrit les querelles et conduit à l’enfermement. Tout cela est bien stérile et fort éloigné du Sermon sur la Montagne. Nous devons être des artisans de paix et ne pas contribuer à attiser ces haines qui conduisent à la guerre. Il suffit pour cela d’ouvrir les yeux : ceux de l’intelligence du cœur, ceux de l’esprit.
Pour autant, il n’y a pas non plus de dialogue fructueux si la parole est retenue par des considérations étrangères à la recherche de la vérité. Il y a donc, dans le souci louable de rencontrer l’autre avec un cœur ouvert, le risque, par une peur excessive de le blesser, de ne plus oser lui dire le fond de notre pensée, de ne plus oser aborder les points de divergences – ce qui est au demeurant une forme subtile de la suspicion, un manque de confiance en l’intelligence de l’autre. En ce sens le syncrétisme est le danger qui guetteles âmes de bonne volonté, une faiblesse possible de celui qui veut tisser des relations amicales ; mais encore une fois, l’amitié suppose la vérité. Or, après le Concile, on a vu bon nombre de catholiques glisser sur cette pente, même dans le haut clergé. Cela fut rendu d’autant plus surprenant, pour ne pas dire choquant, que les catholiques traditionnalistes étaient étrangement exclus de ce dialogue ; on aura ainsi vu des pèlerinages de fidèles célébrer des messes sous la pluie devant des cathédrales et églises fermées à double tour, alors que des musulmans y étaient régulièrement invités à venir y célébrer leur culte.
Or, justement le Père Lelong avance avec prudence en évitant tous ces écueils ; ce qui manifeste bien évidemment la justesse de son entreprise.
L’idée du Père Lelong est donc que l’Islam ne représente pas un authentique danger, ainsi qu’on veut à tout prix nous le faire croire depuis quelques années, et qu’il n’est pas intrinsèquement pervers au contraire du communisme qui fut bien peu critiqué par le clergé français ces quarante dernières années.
L’idée de la Fraternité St Pie X est que l’Islam n’est dangereux qu’en raison de nos faiblesses. Ce qui est juste. L’œcuménisme non charitable, qui conduit au relativisme, est autodestructeur, il manifeste moins de la charité qu’une coupable faiblesse. Ce qui est évident, comme l’affirme avec insistance le Père Lelong, est que toute discussion avec l’Islam ne peut s’enraciner que dans la tradition, dans une connaissance préalable du dogme et des textes fondateurs du catholicisme et dans la liturgie séculaire.
On voit donc que ces positions sont loin d’être contradictoires.
On terminera ce petit propos en revenant sur le procès médiatico-juridique instruit contre certains musulmans : Si l’immigration massive est d’abord de la responsabilité de ceux qui dirigent depuis 40 ans notre pays, comment peuvent-ils prétendre aujourd’hui interdire à des musulmans de pratiquer leur religion et de se vêtir comme bon leur semble?Comment admettre la liberté pour les citoyens de s’habiller de la manière la plus extravagante et ne pas reconnaître le droit de porter un voile ? Car enfin, le voile était porté par les femmes catholiques, notamment en Bretagne, il y a encore 50 ans ; les religieuses portaient encore le voile avant le Concile … la mini-jupe ou le « top less » sont de tradition beaucoup plus récente dans notre pays et ne semblent susciter aucun émoi particulier.
MICHEL MAZOYER
PAUL MIRAULT
[1] Voir le dernier article de l’abbé de Cacqueray, dans Le Sel de la Terre n° 71, 2009-2010, pp.30-45.
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