Extrait du journal Présent du Samedi 20 Février 2010
Présence de l’abbé de Nantes
Il fut le premier. Non pas le premier à être inquiété ou révolté par ce qui se passait dans l’Eglise. Mais le premier à défendre clairement la nature et l’importance dogmatiques des anomalies et des scandales politiques, moraux, religieux qui s’installaient dans la vie de l’Eglise sans rencontrer d’opposition adéquate et suffisante. On était en présence d’un infléchissement religieux s’éloignant de plus en plus de l’Ecriture et de la Tradition, c’était une subversion allant jusqu’à effacer la distinction entre le bien et le mal, entre le défendu et l’obligatoire, entre le vrai et le faux, bref un « relativisme » entraînant l’évanouissement progressif des repères fondamentaux. L’abbé de Nantes avait vu, il avait dit que l’on irait jusque-là, qu’on y était déjà en substance. Il fut le premier à opérer une analyse et une synthèse des implications de la crise théologique issue de la Seconde Guerre mondiale, il fut le premier à en définir les causes et la gravité absolue.
Il fut le premier, aussi, à indiquer une solution : faire appel du Pape au Pape ; demander au Souverain Pontife, selon une procédure canonique parfaitement légitime, un jugement doctrinal sur le concile pastoral : plus précisément, sur les affirmations, insinuations et implications doctrinales de certains textes pastoraux contestés, Vatican II s’étant déclaré pastoral par distinction explicite d’avec doctrinal.
Dans l’immédiat après-concile des années 1966-1970, cette stratégie juridique et théologique rencontra presque uniquement l’incompréhension, voire la raillerie, même parmi les traditionalistes.
Pour l’abbé de Nantes, ce furent les années décisives de ses quarante à quarante-six ans.
16 juillet 1966
La mise en œuvre de sa stratégie commença le 16 juillet 1966 par sa lettre au cardinal Ottaviani, alors à la tête de ce qui était encore le Saint-Office. L’évêque de Troyes, dont il dépendait localement, voulut interdire une telle démarche. Cette prétention illégale fut la première de la longue série de décisions arbitraires qui lui seront infligées jusqu’à sa mort. Naturellement il passa outre à l’interdiction que l’évêque n’avait pas le droit de décréter.
L’abbé de Nantes demandait au Saint-Office que soient doctrinalement jugées ses critiques du concile. Se trouvant saisi d’une requête en bonne et due forme, le Saint-Office, devenu entre temps la Congrégation pour la doctrine, convoqua l’abbé de Nantes en 1968 puis, en 1969, publia une « Notification » qui déclarait l’abbé de Nantes « disqualifié » par ses violences verbales.
Une « notification » n’est pas un jugement. Une « disqualification » est une peine inconnue du droit canon. Le jugement réclamé sur des contestations doctrinales solidement argumentées était esquivé, et le restera. Quant à la « disqualification », elle entraîna une totale et définitive relégation sociologique. L’abbé de Nantes avait quarante-cinq ans.
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