mardi 30 mars 2010

interdit de défendre le Pape


Bilger On sent bien qu'aujourd'hui il est plus chic d'approuver Stéphane Guillon - à mon avis tout sauf un humoriste - que de défendre le pape Benoît XVI qui depuis quelques semaines, n'en finit pas d'être une cible médiatique universelle.

En effet, Stéphane Guillon se présente sous une livrée apparemment comique pour mieux faire apparaître son costume d'idéologue persiflant, se moquant toujours dans le même sens. Ses allusions honteuses au physique d'Eric Besson n'auraient pas suscité cette indignation si elles étaient sorties, appliquées à d'autres, de la bouche tout aussi récusable d'un prétendu humoriste de droite. Même si le ministre s'est défendu comme un beau diable, reprochant à Guillon ses injures "racistes" et traitant ce dernier de "lâche" pour avoir refusé une confrontation avec lui (nouvelobs.com), on ne peut pas dire que les médias ont choisi sa cause, bien au contraire, malgré l'unique et courageuse (dans un tel contexte) intervention de Jean-Luc Hees. Il est hors de question de prétendre interdire l'inadmissible - ce qui serait mal servir la liberté d'expression - mais il est clair qu'il y a des personnes sur lesquelles on a le droit de "taper" sans mesure ni tact et des agresseurs qui bénéficient d'une sympathie de principe. Ce qui renvoie non pas à une exigence de censure que je déteste mais à une obligation de décence qui concerne seulement celui qui parle ou écrit, dans le rapport entre soi et soi.

vendredi 19 mars 2010

Steen Heidemann : Le Prêtre, image du Christ

Couverture Livre Prêtre054 Un livre sur le prêtre catholique, dans le cadre de l'année sacerdotale, est sorti chez les éditions de l'Oeuvre.

Ce livre comporte 560 tableaux, avec le support de nombreux ecclésiastiques, y compris du Cardinal Medina, qui a exprimé dans la préface sa pensée :

« Habituellement, les images expriment davantage que les paroles, si bien qu’un ouvrage dédié au sacerdoce acquiert une dimension spéciale quand, à côté des textes, le lecteur peut fixer son regard sur des figures choisies parmi les œuvres des grands maîtres de la peinture qui ont représenté des prêtres dans différents aspects de leur vie ».


Ce livre de Steen Heidemann est en vente dans notre rubrique "lectures proposées"

 Quelques coupures de presse (cliquez sur les articles pour les agrandir)

un article dans l'excellente revue La Nef

La Nef Déc. 09057
 
Un article dans l'hebdomadaire Famille chrétienne

Fam chr

lundi 15 mars 2010

L’IMAGINAIRE SPIRITUEL DE C.S. LEWIS - Expérience religieuse et imagination dans son œuvre de fiction


par Daniel WARZECHA
Collection KUBABA, L' HARMATTAN, 32,50 €
Imaginaire_spirituel2 (1) Au centre de l’œuvre de Lewis, il y a le message chrétien. Sa mission commence avec sa conversion au christianisme. Celle-ci est d’abord intellectuelle et littéraire. Le mythe y tient une place de choix.
Comment convaincre ses contemporains en voie de déchristianisation de la nécessité d’un retour au christianisme ? La rhétorique lewisienne, très directe et abrupte au début, cèdera petit à petit le pas à une stratégie plus oblique. Les arguments philosophiques font place à la fiction.
Lewis , le poète méprisé, reste poète dans l’âme et donne le meilleur de lui-même dans la prose. Ses livres deviennent des best-sellers ! Le Monde de Narnia fait partie du patrimoine littéraire des pays anglophones. Et qu’y trouve-t-on ? De la mytho-poésie au sens où Aristote l’entend dans sa Poétique. Lewis est un mytho-poète, « un compositeur d’histoires ». Il passe par le détour de ses innombrables lectures pour se créer un monde à sa mesure peuplé de tous les grands récits qui ont imprégné son imaginaire. Et c’est au travers des mythes, qu’il revisite au préalable, que son message évangélique pouvait le mieux être transmis. 
Le propos de cet ouvrage est d’étudier l’articulation entre l’expérience religieuse et la fiction. Il contient aussi une présentation chronologique des articles portant sur les sujets littéraires et sociétaux écrits par Lewis. Ce travail, utile pour les spécialistes et les non-spécialistes, est inédit dans la recherche lewisienne francophone et anglophone.


Préface
Abréviations
Introduction
Le récit lewisien
Chapitre 1 Diversité et unité
- The Chronicles of Narnia
- The Cosmic Trilogy
- The Great Divorce et The Screwtape Letters -Till We Have Faces
- Les fragments
Chapitre 2 Principes théoriques
- Prémisses platoniciennes
- Les Formes
- Ascension et descente
- Méthode platonicienne
- Conception du récit
- Imitation
- Transposition
- Supposition et "fantasy"
- L'intrigue
- Solidarité et sens
Chapitre 3 Architectonique du récit lewisien
- Le périple et la quête
- Approche typologique
- Nominations
- Dédoublements
- Une nouvelle anthropologie
- Mission et initiation
- Le choix
- Pensée magique
- Sentiment esthétique
- La Haute Magie
- Causalité
- Un procédé narratif
- L'espace sémantisé
- Origine et interdépendance
- Cercles et centres
- Cérémonial            
- Espaces pluridimensionnels
-Élasticité
- Dimension sociale et spirituelle
- La nature participative
- Espaces porteurs de sens
- Allégorisation des points cardinaux
- Saint Anne's vs Belbury
- L'opacité du mal
- Paradoxes
- Inanité du mal
- Origine
- Figuration
- Manifestations
- Jonction
- Torsion
- Stratégie diabolique
Le rapt
Tromper
Le langage
Abolition
- Réponses
- Résistance
- Obéissance
- Sacrifice et vicariance
- Batailles
- Polémiques
- Performativité
- Auto-implication
- Convaincre !
- Jane et Mark Studdock
Conclusion
" Conversio "
Processus
Annexes
Bibliographie



Pour plus d'information, allez sur le site de KUBABA :

Daniel WARZECHA est agrégé d’anglais et docteur en études anglophones.
Il enseigne l’anglais à l’Université Charles-de-Gaulle Lille III

samedi 6 mars 2010

Les Béatitudes clef pour notre temps


Nous pouvons lire dans un passage de l’ouvrage de Mr René Girard intitulé Achever Clausewitz à la page 123 « Mais l’objet des prohibitions et des sacrifices rituels, qui visaient à calmer la colère du dieu, étaient  bien de maintenir la violence en dehors du groupe. Je pense ainsi que les deux grandes institutions de la religion archaïque, les prohibitions et le sacrifice, ont joué un rôle essentiel dans le passage des sociétés pré- humaines, en empêchant précisément les hominidés de se détruire » .Ce qui nous amène à revenir au livre de la genèse pour nous remettre en mémoire le sacrifice d’Abraham et y réfléchir  Genèse  22 -11 L’ange dit : « N’étends pas la main contre l’enfant ! Ne lui fais aucun mal ».
Cet événement marque un grand moment dans l’histoire des hommes qui sont appelés à dépasser le sacrifice humain pour s’orienter vers une humanité nouvelle,  inaugurée par le sacrifice sur la croix de Jésus Christ pour faire écho à son Père qui, par la parole de l’ange avait manifesté le rejet de la violence tout en annonçant ainsi à des siècles de distance, le massacre des saints innocents.
Nous pouvons constater que cette violence est toujours présente et que malheureusement de nombreux génocides ont eu lieu  et que beaucoup de Chrétiens à travers le monde se font sauvagement assassiner. Mais, quelque chose a radicalement changé avec la proclamation des Béatitudes  suivies du sacrifice sur la croix  de Jésus qui met un terme à la violence, par la violence elle-même ; afin d’épargner la vie de tous les hommes ; tentés de se venger et de faire le mal en commettant directement ou indirectement des sacrifices humains, par une régression des mœurs et de la pensée.
Nous sommes appelés à dépasser le vieil homme. L’homme nouveau  met un temps infini à s’affirmer et comme l’a rappelé Mr René Girard dans un de ces propos il n’y a pas de limites à la violence. Nous pouvons en déduire qu’il fallait un homme d’une puissance infinie pour manifester et affirmer avec la force des Béatitudes, la Vérité sur l’homme que le péché des origines  a plongé dans un abîme de violence.
Les Béatitudes nous font espérer un monde nouveau que l’Eglise par le canal de la Grâce continue à proclamer. La violence se manifeste par le feu et les armes  « Il  prit  lui-même  en mains le feu et le couteau » comme Jésus lui-même prit sa croix. C’est à ce prix que nous allons à la rencontre du prince de la Paix. Ces Béatitudes s’inscrivent dans un contexte où la Raison joue un rôle essentiel.
Les artisans de Paix ne peuvent absolument pas s’installer dans un confort intellectuel car dans ce cas précis ils ne sont plus des artisans car nous connaissons bien tous les efforts accomplis par un authentique artisan. Le Christ lui-même n’a-t-il pas été  charpentier ? Ces efforts sont des sacrifices à faire, dans le désert où la faim et la soif nous attendent.
Les insultes, les persécutions et la diffamation continuent à sévir dans le monde et nous pouvons constater comme le fait René Girard à propos de Hegel « Clausewitz témoigne de façon plus réaliste que Hegel, de l’impuissance foncière du politique à contenir la montée des extrêmes. Les guerres idéologiques, justifications monstrueuses de la violence, ont en  effet mené l’humanité à cet au-delà de la guerre où nous sommes aujourd’hui entrés. » Page 352.
En effet, nous ne sommes pas en guerre mais nous ne sommes pas en Paix non plus.
Les Béatitudes représentent la  montée en puissance da la vérité qui s’exprime par le Logos plus fort que tous les discours qui ne s’appuient pas sur la croix du Christ et refusent de voir les racines chrétiennes de notre histoire.
Les Béatitudes marquent incontestablement  un progrès immense dont nous n’avons pas encore mesuré la force. Elles méritent d’être attentivement étudiées et méditées  par tous, pour susciter en chacun d’entre nous l’indispensable espérance.
Relisons les béatitudes avec le cœur de saint François d’Assise. Ecoutons la douce voix de sainte Thérèse de l’enfant Jésus et celle de mère  Térésa nous les proclamer.
Comment ne pas penser qu’il s’agit bien des clés dont nous avons besoin à un moment où on recherche dans l’urgence, des solutions  contre le « stress » ou le  harcèlement dans le monde du travail ?
L’enseignement et le système hospitalier ont été structurés par les Béatitudes. En effet, il n’est pas possible de traiter un malade sans s’y référer ; l’enseignant trouve dans les béatitudes  plus qu’un programme et plus qu’un règlement scolaire. L’alphabétisation  des jeunes nécessite tout ce qui est contenu dans les Béatitudes pour qu’ils puissent porter des fruits et se développer harmonieusement.
Christian Bac   

vendredi 5 mars 2010

Controverses : L’église orthodoxe et le catholicisme


du blog « orthodoxie.com »
Le hiéromoine Macaire du monastère du Mont Athos Simonos Pétra, venu en France à l’occasion de l’inauguration  de l’exposition « Trésors du Mont Athos » pour accompagner les membres de la délégation de la sainte communauté du Mont Athos, a rendu visite le 10 avril à l’Institut de théologie orthodoxe Saint-Serge. Pendant sa visite, le père Macaire, après s’est entretenu avec la direction de l’institut, a donné une conférence aux étudiants sur la vie monastique (voir l'album de photographies). Le père Macaire est un moine français qui, depuis 30 ans, vit au monastère de Simonos Pétra. Il est l'auteur du Synaxaire – vie des saints de l’Eglise orthodoxe.
Podcast Audio (Durée : 93’48)
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LA CHUTE, d’Albert Camus (1956). Le Péché Originel et la Rédemption.


Karsh2  Tout le monde a lu avec intérêt La Peste d’Albert Camus dont l’action se passe précisément à Oran, où il a vécu et, nous savons que  cette ville avait une population très attachée aux  racines et valeurs chrétiennes qui se traduisaient par une authentique pratique religieuse de ses habitants même si l’anticléricalisme était bien représenté comme partout ailleurs dans les autres provinces françaises de la même époque. En effet Albert Camus n’était certes pas indifférent à la foi : son œuvre comme son action le prouvent amplement. Nous citerons plusieurs faits qui attestent cette constatation.
   Le premier, c’est le Diplôme d’Etudes Supérieures qu’il a faisur Plotin et Saint Augustin avec tout le talent et les connaissances que nous lui connaissons ; il suffit de lire les titres très éloquents de ce travail comme par exemple Métaphysique Chrétienne et Néoplatonisme pour en être convaincu.
   Le deuxième c’est le rideau du théâtre Antoine à Paris qui nous dévoile l’œuvre de Dostoïevski Les Possédés adaptée par Camus pour le théâtre en 1959 (là où Jean Paul Sartre mettait en scène ses pièces). Son passé d’honnête résistant se retrouve dans son écriture où il ne cherche pas à dissimuler ses idées derrière la fiction littéraire ou une rhétorique pompeuse et mensongère.
   Il n’a pas cherché à créer un réservoir d’illusions pour ceux qui refusent de voir la réalité telle qu’elle est. Sa mort brutale en 1960, deux années avant la tragédie de 1962, aura privé la communauté chrétienne et musulmane d’Algérie d’un honnête homme qui au fond cherchait ce qui pouvait rassembler les hommes, comme nous allons le montrer dans La Chute. Il n’a pas non plus, nous le verrons, cherché à instrumentaliser la religion. C’était un vrai chercheur de Dieu dont la réflexion était profonde. Il mérite un hommage particulier pour la profondeur de ses analyses très fines de la psychologie humaine où il nous révèle sa quête pour la vérité.
 Les titres qu’il a donnés à ses œuvres n’annoncent-elles pas le chaos dans lequel notre monde moderne est entré : La Peste, la Révolte Historique, Création et Liberté, La Révolte métaphysique, l’exil et le royaume, La Chute ?                             
                    


                           La culpabilité et le sentiment de l’absurde chez Camus.                                                                                   Le Péché Originel et la Rédemption.
           
            Dans ce dernier roman d’Albert Camus, le héros, J.-B. Clamence découvre un soir qu’il n’est plus en accord avec sa conscience. Alors qu’il traversait le Pont des Arts, il a entendu des rires sarcastiques qui semblaient le juger. Déstabilisé en quelque sorte il se met à penser à un autre événement de sa vie, auquel il n’avait pas  prêté assez d’attention à ce moment : témoin du suicide d’une jeune femme qui se jetait dans la Seine,  il  avait continué sa route sans intervenir. Assailli brutalement par la réminiscence de sa mémoire la conscience de Clamence s’éveille, et dès cet instant le personnage ressent le vide de son existence. Autre manière pour Camus de définir le sentiment de l’absurde. Alors qu’il croyait avoir mené jusqu’ici une vie exemplaire, J.-B. Clamence découvre au fond de lui un sentiment de culpabilité insupportable. Engagé par sa profession d’avocat dans la société parisienne, reconnu et estimé des autres, grand séducteur de femmes, Clamence joue un double jeu, celui du mensonge et de l’hypocrisie. Il comprend que tout le mal dont il est responsable n’échappera pas au jugement de ses semblables. Le poids de la faute qui entrave l’homme n’est pas sans nous rappeler le péché originel et la chute d’Adam et Eve chassés du paradis terrestre et condamnés à vivre séparés de Dieu, marqués à jamais du sceau de la culpabilité de ce premier péché. Le personnage de Camus se pose une question essentielle : Comment peut-on assumer sa culpabilité dans une société mensongère coupée de Dieu ?              
Si Dieu n’existe pas, pourquoi faudrait-il craindre le jugement dernier, alors que nos actes sont constamment jugés par les autres ?  « J’ai connu ce qu’il y a de pire, qui est le jugement des hommes. » Pourquoi faudrait-il espérer que les hommes responsables du mal puissent  changer et trouver un nouvel ordre du monde où l’on serait en harmonie avec sa conscience ? « Dieu n’est pas nécessaire pour créer la culpabilité, ni punir. Nos semblables y suffisent, aidés par nous-mêmes. » L’homme est obligé de vivre avec cette culpabilité qui nie l’innocence, et la crucifixion du Christ  démontre bien qu’ « il y a toujours des raisons au meurtre d’un homme. Il est, au contraire, impossible de justifier qu’il vive. C’est pourquoi le crime trouve toujours des avocats et l’innocence parfois, seulement » et « nous ne pouvons affirmer l’innocence de personne, tandis que nous pouvons affirmer à coup sûr la culpabilité de tous. » Telle est la profession de foi de Clamence.                                                                     L’animal innocent que les prêtres antiques sacrifiaient  pour apaiser la colère des dieux, ou le pharmacos qu’on jetait dans le désert exprimaient déjà ce besoin chez l’homme de trouver un coupable. Saint-Paul annonce ainsi la venue du Christ :
« Saint, innocent, immaculé, séparé désormais des pécheurs, élevé plus haut que les cieux, qui ne soit pas journellement dans la nécessité, comme les grands prêtres, d’offrir des victimes d’abord pour ses propres péchés, ensuite pour ceux du peuple, car cela, il l’a fait une fois pour toutes en s’offrant lui-même. » (1)
 (1) – St. Paul, He. 6, 26-28.
Pour Clamence, nul homme n’est totalement innocent. Sa réflexion se porte sur le Christ,« l’autre »celui à qui nous avons fait  porter la responsabilité du massacre des innocents, afin que le seul qui fût épargné puisse « blanchir » l’innocence en souffrant sur la croix. Pourquoi étaient-ils morts sinon à cause de lui ? Il ne l’avait pas voulu, bien sûr. » Clamence se représente un Christ homme à part entière, souffrant nuit et jour d’une innocente culpabilité. Puis il explique qu’en tant qu’homme il aurait fallu être surhumain pour continuer à vivre en portant toute la détresse du peuple de Judée. D’où l’explication que sa mission achevée au bout de trois ans de vie publique ne pouvait le conduire qu’à une mort résolument acceptée, sa souffrance tenant lieu de partage. « Il valait mieux en finir, ne pas se défendre, mourir, pour ne plus être seul à vivre et pour aller ailleurs, là où peut-être, il serait soutenu. » Le Christ mort, « il nous a laissés seuls », laissant les hommes condamner leurs semblables. Clamence fait allusion à la façon dont a été exploitée la croix. « Et puis il est parti pour toujours, les laissant juger et condamner, le pardon à la bouche et la sentence au cœur. » Le symbole de la croix est devenu une abstraction qui laisse indifférent : « Ils condamnent, ils n’absolvent personne. Au nom du Seigneur, voilà ton compte. ».       L’homme ne peut pas accepter d’être jugé par ses semblables  puisque «  nous sommes tous juges, nous sommes tous coupables les uns devant les autres, tous christs à notre vilaine manière, un à un crucifiés, et toujours sans savoir. » Dans ce monde sans transcendance, les juges pullulent, les faux prophètes et les guérisseurs accourent pour « arriver avec une bonne loi, ou une organisation impeccable, avant que la terre ne soit déserte. »   Loin de vouloir se corriger, Clamence veut trouver sa propre loi : puis que l’homme ne peut être délivré de ses fautes, peut-être peut-on imaginer un stratagème qui l’aide à alléger le poids de cette culpabilité qui est en lui ? Quelle est cette loi dont il parle, et qui amènerait l’homme à accepter la nécessité de son jugement ? « Celui qui adhère à une loi ne craint pas le jugement qui le replace dans un ordre auquel il croit. Mais le plus haut des tourments humains est d’être jugé sans loi. »         Retiré à Amsterdam, la ville dont les canaux rappellent curieusement les cercles de l’enfer de Dante, Clamence tel un ange déchu va enfin trouver un sens à cette culpabilité qui l’opprime : elle va devenir l’instrument sur lequel il pourra moduler, d’une façon peu fiable, la confession de ses fautes. Afin qu’elles soient moins lourdes à supporter, il va les confesser – ce mot n’est pas employé par Camus – à un interlocuteur, de manière que l’autre s’engage et prenne parti, reconnaissant dans ce qu’il dit la part de mal qui est aussi en lui. Ainsi, en donnant à sa propre culpabilité une dimension universelle, il n’est plus seul à l’assumer et ce stratagème lui laisse la supériorité de juger son semblable. Il se dit exercer maintenant le métier de juge-pénitent, non pour corriger ses fautes et se corriger, mais pour amener les autres à se juger eux-mêmes. Tel un faux-prophète – clamans in deserto – « prophète vide pour temps médiocres » il prêche dans un monde sans Dieu, et se croit porteur d’une vérité : « Elie sans messie, le doigt levé vers un ciel bas, couvrant d’imprécations des hommes sans loi qui ne peuvent supporter aucun jugement », il se présente comme une figure inversée du Christ : Je suis la fin et le commencement, j’annonce la loi. Bref, je suis juge-pénitent. » A l’inverse d’un christ venu sauver le monde et le libérer du péché, Clamence interroge la conscience de ses semblables  et extirpe d’elle ce qui peut faire l’objet d’un jugement. Ainsi le pénitent que l’on croit confesser ses fautes assiste à la chute des autres qu’il est en mesure de juger à son tour. Ainsi il lui est moins pénible d’assumer sa culpabilité.
            Mais la solution que Clamence a trouvée pour gérer le sentiment de l’absurde dans un monde privé de Dieu ne peut libérer l’homme de la faute originelle. Il ne s’agit que d’un subterfuge dont les limites humaines ne suffisent pas pour donner à l’homme un sens à son existence. La question a déjà été posée par Camus dans l’Etranger, quand Meursault, condamné à mort doit rencontrer l’aumônier. Celui-ci lui explique que sa faute a été condamnée par les hommes, mais qu’il existe une autre justice, la justice divine qui pardonne et relève l’homme :
« Je portais le poids d’un péché dont il me fallait me débarrasser. Selon lui, la justice des hommes n’était rien et la justice de Dieu tout. J’ai remarqué que c’était la première qui m’avait condamné. Il m’a répondu qu’elle n’avait pas, pour autant, lavé mon péché. Je lui ai dit que je ne savais pas ce qu’était un péché. On m’avait seulement appris que j’étais un coupable. J’étais coupable, je payais, on ne pouvait rien me demander de plus. » (1)
Meursault a été reconnu coupable et jugé par les hommes. Sa culpabilité prend fin avec sa vie sur terre et il ne lui vient pas à l’idée qu’il existe un dieu rédempteur. Lui aussi a le sentiment de vivre dans un monde absurde où aucun espoir n’est possible. Si Camus pose le problème des hommes indifférents à Dieu, c’est qu’il veut donner à l’homme une dimension plus héroïque, faisant de l’individu celui qui accepte courageusement sa condition humaine et l’assume jusqu’au bout. Meursault respecte la règle du jeu. Il est coupable, donc il doit payer. De même pour continuer à vivre, il faut que Clamence réussisse à assumer la responsabilité de ses fautes, dans le partage avec les autres. L’homme chez Camus n’a pas besoin du secours de Dieu. De même Le Christ a délibérément accepté  sa mort après avoir accompli sa mission.
                Quel est ce Christ malheureux dont nous parle Clamence, ce frère,  cet ami qu’il respecte et qu’il aime ? Il  en fait un homme choisi par Dieu pour « garantir l’innocence », un élu que ses parents avaient emmené en lieu sûr pour échapper au massacre des innocents dont il était la cause sans le vouloir, en fait un homme protégé car  destiné à  accomplir de grandes choses, comme changer l’ordre du monde ? Et il est parti, nous laissant seuls, « sachant à notre tour ce qu’il savait, mais incapables de faire ce qu’il a fait et de mourir comme lui. »
                La vérité est que les hommes n’ont pas reconnu qu’il était le fils de Dieu. Reconnaître l’essence divine du Christ, c’est évidemment reconnaître l’existence de Dieu dans ce monde, et accepter l’idée d’une rédemption, qui viendrait libérer l’homme du poids du péché. Le Christ l’affirme  lui-même quand il dit qu’il a été envoyé par son père. Il a consenti librement à « servir et donner sa vie en rançon pour la multitude ». (2)
Il est le serviteur juste qui doit purifier les autres de leurs fautes : « Le juste, mon serviteur, justifiera les multitudes en s’accablant lui-même de leurs fautes. » (3)
(1)    -A. Camus, L’Etranger, La Pléiade, pp. 1208-1209.
(2)    – Marc, 10, 45.
(3)    – Is. 53, 11.
                Pourquoi imaginer alors que le Christ n’a pas cru à la valeur de son sacrifice, et qu’il aurait poussé ce cri  « séditieux » : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » (1)  Il ne s’agit pas d’abord d’un cri de révolte, que l’évangéliste St. Luc aurait préféré censurer, comme le dit Clamence. Par la bouche du Christ retentissent tous les cris de la détresse humaine, les cris du juste Abel (2), les pleurs de Rachel (3), dans un monde où l’espoir n’est plus permis. Ayant consenti librement à se charger de tous les péchés du monde, le Christ ressent pour la première fois les atteintes de la séparation spirituelle d’avec son Père, il s’est substitué en cette minute au pécheur, et transforme son cri de détresse en prière, celle du Psaume 22.  Il s’agit pour Camus d’un choix qu’il laisse faire à Clamence, afin de mieux démontrer peut-être l’absurdité de notre condition d’homme sans Dieu.
Pour Camus, le Christ n’est pas un surhomme. Ne pouvant supporter son innocente culpabilité il n’a pas voulu continuer à vivre. Il en fait un homme seul, délaissé de tous et de Dieu, après avoir accompli sa mission. La Croix montre au contraire la victoire sur toutes les peurs et elle assure, après la résurrection du Christ la rédemption qui lave du péché. Le Christ n’a pas à lutter pour échapper à sa condition humaine, puisqu’il est le fils de Dieu.
« Sûrement, cet homme était un juste »  (4)
« Vraiment, cet homme était le fils de Dieu ! » (6)
                L’innocence du Christ et sa nature divine se manifestent enfin aux yeux des hommes quand ceux-ci deviennent témoins des événements surnaturels qui suivirent sa mort. Camus ne fait pas allusion à ces paroles qui donnent le sens attendu au sacrifice de la croix en en faisant un instrument de rédemption pour les hommes esclaves du péché.
               
                                                                                                                             Isabelle Duve.

jeudi 4 mars 2010

Le christianisme et l'islam


Vers la paix des civilisations 


Y. Roucaute, paix des civilisations
envoyé par France 24
Un prêtre égyptien s'inquiète de la montée du fanatisme 

mercredi 3 mars 2010

On Crete, New Evidence of Very Ancient Mariners


By JOHN NOBLE WILFORD
Early humans, possibly even prehuman ancestors, appear to have been going to sea much longer than anyone had ever suspected.
That is the startling implication of discoveries made the last two summers on the Greek island of Crete. Stone tools found there, archaeologists say, are at least 130,000 years old, which is considered strong evidence for the earliest known seafaring in the Mediterranean and cause for rethinking the maritime capabilities of prehuman cultures.
Crete has been an island for more than five million years, meaning that the  oolmakers must have arrived by boat. So this seems to push the history of Mediterranean voyaging back more than 100,000 years, specialists in Stone Age archaeology say. Previous artifact discoveries had shown people reaching Cyprus, a few other Greek islands and possibly Sardinia no earlier than 10,000 to 12,000 years ago.
The oldest established early marine travel anywhere was the sea-crossing migration of anatomically modern Homo sapiens to Australia, beginning about 60,000 years ago. There is also a suggestive trickle of evidence, notably the skeletons and rtifacts on the Indonesian island of Flores, of more ancient hominids making their way by water to new habitats.
Even more intriguing, the archaeologists who found the tools on Crete noted that the style of the hand axes suggested that they could be up to 700,000 years old. That may be a stretch, they conceded, but the tools resemble artifacts from the stone technology known as Acheulean, which originated with prehuman populations in Africa.
More than 2,000 stone artifacts, including the hand axes, were collected on the southwestern shore of Crete, near the town of Plakias, by a team led by Thomas F. Strasser and Eleni Panagopoulou. She is with the Greek Ministry of Culture and he is an associate professor of art history at Providence College in Rhode Island. They were assisted by Greek and American geologists and archaeologists, including Curtis Runnels of Boston University.
Dr. Strasser described the discovery last month at a meeting of the Archaeological Institute of America. A formal report has been accepted for publication in esparia, the journal of the American School of Classical Studies in Athens, a supporter of the fieldwork.
The Plakias survey team went in looking for material remains of more recent artisans, nothing older than 11,000 years. Such artifacts would have been blades, spear points and arrowheads typical of Mesolithic and Neolithic periods.
“We found those, then we found the hand axes,” Dr. Strasser said last week in an interview, and that sent the team into deeper time.
“We were flummoxed,” Dr. Runnels said in an interview. “These things were just not supposed to be there.”
Word of the find is circulating among the ranks of Stone Age scholars. The few who have seen the data and some pictures — most of the tools reside in Athens — said they were excited and cautiously impressed. The research, if confirmed by further study, scrambles timetables of technological development and textbook accounts of human and prehuman mobility.
Ofer Bar-Yosef, an authority on Stone Age archaeology at Harvard, said the significance of the find would depend on the dating of the site. “Once the investigators provide the dates,” he said in an e-mail message, “we will have a better understanding of the importance of the discovery.”
Dr. Bar-Yosef said he had seen only a few photographs of the Cretan tools. The forms can only indicate a possible age, he said, but “handling the artifacts may provide a different impression.” And dating, he said, would tell the tale.
Dr. Runnels, who has 30 years’ experience in Stone Age research, said that an analysis by him and three geologists “left not much doubt of the age of the site, and the tools must be even older.” The cliffs and caves above the shore, the researchers said, have been uplifted by tectonic forces where the African plate goes under and pushes up the European plate. The exposed uplifted layers represent the sequence of geologic periods that have been well studied and dated, in some cases correlated to established dates of glacial and interglacial periods of the most recent ice age. In addition, the team analyzed the layer bearing the tools and determined that the soil had been on the surface 130,000 to 190,000 years ago.
Dr. Runnels said he considered this a minimum age for the tools themselves. They include not only quartz hand axes, but also cleavers and scrapers, all of which are in the Acheulean style. The tools could have been made millenniums before they became, as it were, frozen in time in the Cretan cliffs, the archaeologists said.
Dr. Runnels suggested that the tools could be at least twice as old as the geologic layers. Dr. Strasser said they could be as much as 700,000 years old. Further explorations are planned this summer.
The 130,000-year date would put the discovery in a time when Homo sapiens had already evolved in Africa, sometime after 200,000 years ago. Their presence in Europe did not become apparent until about 50,000 years ago.
Archaeologists can only speculate about who the toolmakers were. One hundred and thirty thousand years ago, modern humans shared the world with other hominids, like Neanderthals and Homo heidelbergensis. The Acheulean culture is thought to have started with Homo erectus. The standard hypothesis had been that Acheulean toolmakers reached Europe and Asia via the Middle East, passing mainly through what is now Turkey into the Balkans. The new finds suggest that their dispersals were not confined to land routes. They may lend credibility to proposals of migrations from Africa across the Strait of Gibraltar to Spain. Crete’s southern shore where the tools were found is 200 miles from North Africa.
“We can’t say the toolmakers came 200 miles from Libya,” Dr. Strasser said. “If you’re on a raft, that’s a long voyage, but they might have come from the European mainland by way of shorter crossings through Greek islands.”
But archaeologists and experts on early nautical history said the discovery appeared to show that these surprisingly ancient mariners had craft sturdier and more reliable than rafts. They also must have had the cognitive ability to conceive and carry out repeated water crossing over great distances in order to establish sustainable populations producing an abundance of stone artifacts.

lundi 1 mars 2010

Le dixneuviémisme révélé par le dogme de l’infaillibilité pontificale


Philippe Muray
Le 19e siècle à travers les âges
Pages 302 à 304
(en vente dans notre rubrique "Lectures proposées")

L’infaillibilité pontificale aussi, Zola la recevra en plein estomac et ça donnera Rome. Ça donnera Le Pape pour Hugo dans le rêve d’effacer l’autre Pape, celui de Maistre. Il faut les voir, tous, hallucinés, eux qui triomphaient. Extrêmement perturbés par les initiatives invraisemblables d’une Église qui n’arrête pas de remonter de ses catacombes pour parasiter le cours normal du progrès. L’Église est devenue à partir de là une sorte de Sphinx évidemment répulsif auquel il faut apporter très vite des réponses dans l’espoir de le voir se reprécipiter dans l’abîme.
La plus grosse énigme, la plus pénible, c’est sûrement quand même l’infaillibilité. Qui pourrait se résumer ainsi :
Qui est-ce qui se trompe le matin, qui se trompe à midi et qui se trompe encore le soir ?
Réponse : en tout cas pas le pape.

Je l’ai déjà dit, l’infaillibilité c’est la définition en creux des êtres parlants comme actes manqués. Ici encore, d’ailleurs, l’Église se montre excellente historienne de son époque et même visionnaire pour les temps à venir où on va voir les hommes et les femmes de plus en plus se prendre pour des infaillibilités pontificales personnelles et spontanées tout en s’intéressant de plus en plus à leurs petits actes manqués visibles et locaux en bons profiteurs de la psychanalyse sans peine, et ne jamais se demander si ce ne serait pas plutôt globalement qu’ils seraient des lapsus, des échecs, des ratés de la parole ou de la mémoire … l’humilité n’est pas le défaut principal de l’existant actuel, de l’explorateur de sa propre infaillibilité pontifiante. Il y aussi l’infaillibilité de masse. Enfin, tout le monde parle plus ou moins ex cathedra, c’est ainsi.
Quoi qu’il en soit, l’acte manqué, l’atto mancato, le Fehlleistung, est placé en analyse par le dogme de l’infaillibilité pontificale. Qui voit et interprète très lucidement la faillibilité pondérale générale.
C’et tout un roman, l’histoire de la promulgation de ce dogme. Avec un long prologue qui remonte jusqu’aux premières procédures d’élection de l’évêque de Rome. L’Église n’a jamais erré. Peut-on dire la même chose du pape ? Quand on songe à la série noire de criminels, de fous et d’athées proclamés qui s’assirent sur le trône de Saint-Pierre, on mesure encore mieux le culot divin de Pie IX répondant oui à cette question en plein 19e
Quant à l’événement lui-même, il y a quelqu’un qui le raconte admirablement c’est Joyce dans une nouvelle de Dubliners, La Grâce :
« Dites-moi, Martin, dit-il. N’est-il pas vrai que certains papes – bien sûr, pas l’homme d’aujourd’hui, ni son prédécesseur, mais quelques-uns des anciens papes – n’étaient pas tout à fait … vous savez … à la hauteur ? »
Il y eut un silence. Mr Cunningham dit :
« Oh bien sûr, il y en a eu qui ne valaient pas cher … Mais la chose étonnante, c’est ceci : pas un seul d’entre eux, fût-il le dernier des ivrognes, le … pire des coquins, pas un seul d’entre eux n’a jamais prêché ex cathedra une seule parole qui fût de fausse doctrine. Alors, est-ce que ce n’est pas quelque chose d’étonnant ?
-   C’et vrai, dit Mr Kernan.
-   Oui, parce que lorsque le pape parle ex cathedra, expliqua Mr Fogarty, il est infaillible.
-   Oui, dit Mr Cunningham.
-   Oh, je sais, l’infaillibilité du pape. Je me souviens, j’étais plus jeune à l’époque …
(…)
-   L’infaillibilité pontificale, dit Mr Cunningham, cela a donné lieu à la scène la plus grandiose de toute l’histoire de l’Église.
-   Comment cela, Martin ? demanda Mr Power.
Mr Cunningham leva deux gros doigts.
-   Dans le sacré collège, vous savez, des cardinaux et archevêques et évêques, deux hommes maintenaient leur opposition tandis que les autres étaient tout à fait favorables. Le conclave, tout entier était unanime à l’exception de ces deux-là. Non ! Ils ne voulaient pas en entendre parler !
-   Ha ! fit Mr M’Coy.
-   Et c’était un cardinal allemand du nom de Dolling … ou Dowling … ou …
-   Dowling n’était pas allemand, je vous en fiche mon billet, dit Mr Power en riant.
(…)
-   Ils étaient donc là à discuter ferme, tous les cardinaux et évêques et archevêques venus de tous les coins de la terre, et ces deux-là se débattaient comme des diables en bénitier jusqu’au moment où le pape lui-même finit par se lever et proclama ex cathedra l’infaillibilité dogme de l’Église. À ce moment précis John MacHale, qui n’avait cessé d’opposer argument sur argument, se leva et rugit comme un lion : Credo !
-   Je crois ! dit Mr Fogarty.
-   Credo ! dit Mr Cunningham. Cela montrait la foi qu’il avait. Il a fait soumission dès l’instant où le pape a parlé.
-   Et Dowling ? demanda Mr M’Coy.
-   Le cardinal allemand ne voulut pas se soumettre. Il quitta l’Église. »
En 1906, Joyce qui est à Rome consulte des documents et complète l’histoire dans une lettre à son frère : « Lors de la proclamation du dogme, le pape demanda : « Ça va, messieurs ? » Tous dirent Placet mais deux s’écrièrent : Non placet. Alors le pape : « Allez vous faire foutre ! Embrassez mon cul ! Je suis infaillible ! »
Le dogme de l’infaillibilité a ceci de bon qu’il déclenche non plus seulement à l’extérieur mais à l’intérieur même de l’Église le réflexe dixneuviémiste horrifié. L’éruption de boutons. Voilà soudain le 19e sous des noms de prélats. La même chose en pourpre et violet. Le 19e protestant de son innocence pour empêcher l’inondation d’infaillibilité qui noierait son innocence. Il y a des curés qui se révoltent en public, d’autres qui rompent silencieusement, d’autres qui argumenteront jusqu’à leur dernier souffle en accumulant les arguments logiques irréfutables et qui mourront en ayant raison. Le pape voit tout ça monter vers lui comme des noyés à l’assaut d’un radeau. L’évêque de Dijon à qui Pie IX dit : « je suis infaillible » et qui répond : « je l’ai toujours cru et enseigné … sous certaines conditions. » Dupanloup qui le supplie de renoncer au dogme pour empêcher le schisme et calmer l’orage : « Vous en tirerez une gloire inouïe dans les siècles des siècles. » « Mi prendre per un ragazzo ? » répond le pape en riant. D’autres qui racontent qu’il est devenu fou, qu’il ne va pas bien du tout, a des visions … Clinique de la folie papale. La Vierge, raconte-t-on, lui est apparue :
-   Vous êtes immaculée, lui a dit le pape.
-   Vous êtes infaillible, a-t-elle répondu.

(…)