par Jean-Baptiste Maillard
382 p.
L'Œuvre, 2009
382 p.
L'Œuvre, 2009
une note de François Gondrand
Si nous nous replongeons dans la presse catholique des années 50, ou si, ayant l'âge suffisant, nous faisons appel à nos souvenirs, nous y verrons comment l'avenir de l'Église y était décrit comme le fruit d'un apostolat d'une minorité préoccupée de la reconquête des milieux populaires, luttant contre les injustices sociales, et ne présentant la foi chrétienne que par le biais d'un “témoignage” silencieux au plus profond de la pâte humaine. C'était la grande époque de l'aventure des prêtres-ouvriers, de la Mission de France, de l'Œuvre du Prado, de l'Action catholique ouvrière et de la JOC. C'était aussi la révélation de l'expérience de vie communautaire et d'action de proximité que menait une assistante sociale, Madeleine Delbrel, dans la ville ouvrière et communiste d'Ivry, en banlieue parisienne. On continuait de chanter “l'hymne” de l'Action catholique “Nous referons chrétiens nos frères”, mais en mettant quelque peu en sourdine la prière, la vie sacramentelle et l'annonce explicite de l'Évangile, au profit de l'action sociale.
Cette approche apostolique par “l'enfouissement”, qui par certains côtés était admirable, au moins dans ses intentions, n'a visiblement pas porté les fruits désirés. Ce que l'on a mis du temps, dans les années 70, à appeler par son vrai nom, “la crise de l'Église”, et que d'aucuns répugnent encore d'ailleurs à nommer ainsi, a balayé l'optimisme de l'après-guerre. Des observateurs extérieurs prédiront même la fin de l'Église. Les débats autour du Concile Vatican II ont cristallisé cette crise, au point de faire oublier que le Concile ouvrait des perspectives missionnaires vigoureuses, notamment dans ses textes fondamentaux que sont Lumen Gentium (la constitution apostolique sur l'Église) et Gaudium et spes (la constitution pastorale sur l'Église dans le monde de notre temps.)
Si nous nous replongeons dans la presse catholique des années 50, ou si, ayant l'âge suffisant, nous faisons appel à nos souvenirs, nous y verrons comment l'avenir de l'Église y était décrit comme le fruit d'un apostolat d'une minorité préoccupée de la reconquête des milieux populaires, luttant contre les injustices sociales, et ne présentant la foi chrétienne que par le biais d'un “témoignage” silencieux au plus profond de la pâte humaine. C'était la grande époque de l'aventure des prêtres-ouvriers, de la Mission de France, de l'Œuvre du Prado, de l'Action catholique ouvrière et de la JOC. C'était aussi la révélation de l'expérience de vie communautaire et d'action de proximité que menait une assistante sociale, Madeleine Delbrel, dans la ville ouvrière et communiste d'Ivry, en banlieue parisienne. On continuait de chanter “l'hymne” de l'Action catholique “Nous referons chrétiens nos frères”, mais en mettant quelque peu en sourdine la prière, la vie sacramentelle et l'annonce explicite de l'Évangile, au profit de l'action sociale.
Cette approche apostolique par “l'enfouissement”, qui par certains côtés était admirable, au moins dans ses intentions, n'a visiblement pas porté les fruits désirés. Ce que l'on a mis du temps, dans les années 70, à appeler par son vrai nom, “la crise de l'Église”, et que d'aucuns répugnent encore d'ailleurs à nommer ainsi, a balayé l'optimisme de l'après-guerre. Des observateurs extérieurs prédiront même la fin de l'Église. Les débats autour du Concile Vatican II ont cristallisé cette crise, au point de faire oublier que le Concile ouvrait des perspectives missionnaires vigoureuses, notamment dans ses textes fondamentaux que sont Lumen Gentium (la constitution apostolique sur l'Église) et Gaudium et spes (la constitution pastorale sur l'Église dans le monde de notre temps.)
On n'a sans doute pas encore mesuré les effets pastoraux de Vatican II, si encensé par les uns et si décrié par quelques autres. On n'a surtout pas pris garde aux surprises que nous réservait l'Esprit Saint, même à notre époque de grande mécréance. Pourtant les siècles passés nous ont habitués à sa manière bien à elle qu'a cette colombe de filer à travers l'histoire en “écrivant droit selon des lignes courbes”. C'est dans les persécutions que la foi s'est affermie ; c'est dans les périodes de décadence que sont apparus les grands réformateurs (et pas seulement la Réforme), c'est dans les grands tournants de la civilisation qu'ont agi les grands fondateurs, chacun répondant de façon originale, souvent choquante, aux défis de leur temps.
“Dieu est de retour”, nous annonce triomphalement un livre récemment paru, avec pour sous-titre: “La nouvelle évangélisation de la France.” L'auteur n'est ni un sociologue, ni un visionnaire, ni un prédicateur évangélique. C'est un jeune homme de 29 ans; parfaitement inconnu du public, si ce n'est de ceux qui surfent sur le net et ont pu lire son nom il y a quelques années en tête d'une pétition en faveur de la chaîne de TV catholique KTO, ou sur l'un des blogs qu'il anime, l'un des derniers étant Anuncioblog. Bref un jeune catholique de sa génération, décomplexé tant dans sa foi que dans l'usage des nouveaux médias.
Que nous dit-il ? Que l'évangélisation est, textes magistériels à l'appui (Vatican II, Paul VI, Jean-Paul II, Benoît XVI, plus les interviews de trois évêques français), la grande affaire des catholiques européens aujourd'hui. “La crise que nous connaissons peut être salutaire si elle nous permet, à nous catholiques, de nous réapproprier entièrement cette question de l'annonce du Christ à nos contemporains éloignés de Dieu.” Et de citer une déclaration récente du pape actuel (à propos de la levée d'excommnication de quatre évêques intégristes): “À notre époque où dans de vastes régions de la terre la foi risque de s'éteindre comme une flamme qui ne trouve plus à s'alimenter, la priorité qui prédomine est de rendre à Dieu présent dans ce monde et d'ouvrir aux hommes l'accès à Dieu. Non pas à un Dieu quelconque, mais à ce Dieu qui a parlé sur le Sinaï; à ce Dieu dont nous reconnaissons le visage dans l'amour poussé jusqu'au bout en Jésus-Chist crucifié et ressuscité.”
Dès les premières pages l'auteur livre son propre témoignage : C'est en voyant l'affiche blasphématoire du film de Costa Gavras Amen qu'il a eu l'idée de rejoindre l'équipe d'un site, Christicity, pour défendre le Christ et l'Église. Sans en connaître le sens ni la genèse, il était tombé dans la marmite de la “nouvelle évangélisation”, terme lancé par Jean-Paul II en 1983 et 1988, pour redonner le souffle chrétien aux pays de la vieille Europe et de l'Amérique du Nord. Bien des initiatives sont nées depuis lors dans cette ambiance de prédication par la “première annonce”, certaines dans une ambiance festive, dont celle des groupes de “rock chrétien”. Jean-Baptiste Maillard décrit avec l'enthousiasme des néophytes des initiatives de toute sorte, allant toutes dans le même sens, quoi qu'avec des caractéristiques très différentes : évangélisation de rue, sur les plages, en boîte de nuit, en moto, en autostop, dans les escaliers d'immeuble, chez les SDF, et même chez les musulmans, les évangéliques, les juifs, ce qui peut paraître à première vue assez étonnant... Il n'oublie pas l'évangélisation sur les lieux de travail, et dans la vie ordinaire en général, avec une interview assez décoiffante d'une jeune femme qui, convertie à nouveau après s'être éloignée de la foi, s'efforce de provoquer à son tour des “tsunamis existentiels” chez ses amies, ou en tout cas de réchauffer leur ferveur, de préférence au cours de conversations dans des bars. Sa spiritualité doit beaucoup à l'Opus Dei, qu'on n'attendait pas vraiment ici. Non plus que ces membres d'une communauté “tradi”, qui ont renoncé à s'enfermer dans un ghetto confortable pour aller eux aussi annoncer le Christ au monde à leur manière, à partir d'une paroisse personnelle.
La formation n'est pas oubliée, et un chapitre lui est consacré, avec ici les sessions de l'Emmanuel à Paray-le-Monial, là un colis-mission périodique destiné aux enfants, ailleurs la formation des hommes politiques et des professionnels, ou ailleurs encore “l'éducation par le beau”.
Les descriptions et les témoignages présentés sont forcément limités et ils sembleront plus ou moins convaincants à tel ou tel lecteur. Il n'empêche que ce livre apporte aussi une vraie réflexion sur l'évangélisation des générations actuelles, renvoyant aux paroisses et à la vie sacramentelle qu'elles sont à même d'apporter. Que tout cela soit le fait d'un jeune, évoquant souvent d'autres jeunes, laisse songeur, et nous fait penser que décidément le mot d'ordre n'est plus à l'enfouissement. Finalement, rien ne se sera passé comme prévu, comme en témoignent aussi les groupes de prière, les nouveaux mouvements, charismatiques ou autres, qui ont éclos au cours des dernières décennies.
Remarquons au passage que ces catholiques dynamiques ont un rapport à l'autorité magistérielle, et concrètement au pape, qui les situe à mille lieues de la problématique de ceux qui s'intitulent parfois”catholiques critiques.” Ils ne semblent pas bloqués sur le mariage des prêtres, la pastorale des divorcés remariés et l'enseignement d'Humanae vitae. Tout simplement parce que ce qui les motive et les fait vivre est autre: l'urgence de l'annonce.
Un historien du christianisme ne manquera pas de rapprocher ce phénomène nouveau de ce que fut l'élan missionnaire de l'Action catholique première manière, bien avant que celle-ci ne dérive vers l'action syndicale et politique, où elle semble s'être définitivement enlisée. A ceci près que ces jeunes cathos ne réclament pas de mandat, tout juste un peu de sympathie et d'encouragement de la part de la hiérarchie. Disons que certains évêques les comprennent, et que d'autres les tolèrent avec gentillesse, même s'ils se sentent un peu dépassés par des dynamiques qui n'entrent pas a priori dans leurs schémas pastoraux.... Mais ceci est une autre hisoire, qui n'est pas racontée dans le livre. Et d'ailleurs trois d'entre eux ont accepté de témoigner en faveur de ce genre de démarche, comme on l'a dit. Ils sont d'ailleurs moteurs dans le domaine.
Un souhait pour finir. On attend de l'auteur de nouveaux développements sur la connexion de tout cela avec la vie intérieure, “l'âme de tout apostolat” comme le disait le célèbre livre de Dom Chautard, au début du XXe siècle. Car si la prière et les sacrements sont souvent évoqués par les apôtres modernes qui nous sont ici présentés, ils mériteraient un traitement spécial, dans la mesure où ils sont, avec la formation chrétienne profonde, le sens de la pénitence (la fécondité de la Croix!) et l'accompagnement spirituel, le terreau d'où l'acte d'évangéliser tire sa sève.
À quand également une anthologie des textes les plus signifiants sur l'évangélisation, des lettres de Paul (et des autres) aux grands témoins du XXe siècle, en passant par les Pères de l'Eglise et les classiques spirituels ?
François Gondrand
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