lundi 31 mai 2010

Controverse sur le mot "barbare"


Que faire du barbare ? L’exemple de l’empire romain.
Relisons Paul Veyne, Sénèque. Une introduction, Paris 2007 (2e édition)
On affirme souvent que le stoïcisme affirme l’égalité de tous les hommes.  On estime que le Stoïcisme représente un progrès de la moralité publique et une affirmation de l’égalité de tous les hommes face à la loi universelle. Nous nous sentons aussi proche du dernier des barbares asiatiques que de nous-mêmes. Le stoïcien repose sur l’opposition entre l’imperfection et la perfection. Si l’on aime parfaitement les autres hommes on les aime tous pareillement et on ne s’abandon ne pas à la faiblesse qui veut qu’on aime certains plus que d’autres. Le cosmopolitisme stoïcien cache en fait un ethnocentrisme et un « patriotisme » fortement marqués. L’idée mise en valeur par Paul Veyne est que ce cosmopolitisme a entraîné un conservatisme.  Il   importe politiquement de ne rien changer ; le bon moyen d’aimer les barbares est de maintenir l’hégémonie de Rome pour leur bien. On affirme souvent que le stoïcisme a donné une importance accru au pauvre, au barbare. Selon Paul Veyne, rien ne permet de voir dans la philosophie de Sénèque les indices qui annonceraient un progrès social quelconque qui serait effectif un siècle après lui. Chez Sénèque on trouve des condamnations de la guerre mais aussi une affirmation des droits de Rome sur les peuples barbares.
A l’inverse le gouvernement de 2e siècle verra attacher une importance accrue  aux petites gens, aux cités indigènes et barbares. Il veut faire de l’empire une « coopérative du bonheur », sans que le stoïcisme ait anticipé ce mouvement.  Caracalla accorde en 212 la citoyenneté romaine à tous les habitants libres de l'Empire. C’était une évolution qui avait commencé à l’époque de Sénèque à l’initiative de Claude et à laquelle Sénèque aurait été totalement absent.  L’édit est d’autant plus progressiste selon nos critères d’aujourd’hui que les nouveaux citoyens peuvent conserver leur droit et leurs coutumes.  Justinien dénonce en 535-536 la survivance en Mésopotamie des mariages consanguins. On sait que l’inceste dans l’Antiquité passe pour une des manifestations les plus manifestes de la barbarie.  On sait pourtant que Caracalla a été un tyran sanguinaire. N’y a-t-il pas un certain anachronisme à voir dans cet édit la volonté de créer la citoyenneté universelle et paradoxal  de voir dans ce tyran sanguinaire un des fondateurs des droits de l’homme ?
 Pierre Essain

dimanche 30 mai 2010

Homélie du Pape Benoît XVI


Basilique Vaticane
Dimanche 23 mai 2010
Chers frères et sœurs,
Au cours de la célébration solennelle de la Pentecôte, nous sommes invités à professer notre foi dans la présence et dans l'action de l'Esprit Saint et à en invoquer l'effusion sur nous, sur l'Église et sur le monde entier. Faisons donc nôtre, et avec une intensité particulière, l'invocation de l'Église elle-même:  Veni, Sancte Spiritus ! Une invocation si simple et immédiate, mais dans le même temps extraordinairement profonde, jaillie avant tout du cœur du Christ. En effet, l'Esprit est le don que Jésus a demandé et demande constamment au Père pour ses amis; le premier et principal don qu'il nous a obtenu avec sa Résurrection et son Ascension au Ciel.

Une initiation à la philosophie de Claude Tresmontant


Ou la mélodie de l’univers de Paul Mirault
Chez L’Harmattan (en vente dans notre librairie en ligne)

9782296061743 Le retour au réel était la préoccupation majeure de Claude Tresmontant, ce grand savant qui continue à nous indiquer le chemin d’une réflexion qui engage la pensée dans une voie constructive étayée par les nombreuses disciplines qu’il connaissait bien : philosophie, métaphysique, théodicée, exégèse critique, théologie et philosophie pratique, sans oublier les commentaires et présentations d’œuvres comme nous le rappelle Paul Mirault qui a été son élève , attentif à son enseignement ,entièrement consacré au  service de la vérité.
   Comment ne pas être touché par un tel serviteur de la vérité dont le souci était de montrer une route balisée par l’alpha et l’oméga ? L’ouvrage de Paul Mirault s’inscrit dans la même logique car  nous y trouvons les points de repères essentiels et nécessaires pour nous permettre de comprendre « l’anatomie » de la vie de l’esprit dont les jeunes ont tant besoin pour mieux conduire leur vie. En effet, les personnes dont le souci est de transmettre aux jeunes le fil conducteur du réel trouveront dans cet ouvrage d’une très grande clarté, des points d’appui sûrs et enthousiasmants.
  Paul Mirault nous donne plus que les clés de lecture de l’œuvre très riche de Claude Tresmontant mais encore la démarche même de la pensée qui par la grâce de Dieu,  engendre la lumière de la vérité.
 Cet ouvrage est un excellent entraînement pour rejoindre « la philosophie éternelle » et remettre notre pensée dans la voie du vrai progrès. C’est une sorte de solfège qui nous apprend à mieux rythmer notre vie intellectuelle. 
  Nous recommandons vivement la lecture et la relecture de l’ouvrage de Paul Mirault qui nous donne le goût  de faire de la philosophie dont les Papes ont tant de fois conseillé l’étude, afin de renforcer notre capacité de réflexion à la lumière de la vérité.
Christian Bac         

vendredi 28 mai 2010

immaculata ex maculatis


"L'Osservatore Romano" a écrit, à propos de la rencontre de Benoît XVI avec les cardinaux à l’occasion du cinquième anniversaire de son élection, que "le pape a fait allusion aux péchés de l’Église et rappelé que celle-ci, blessée et pécheresse, expérimente encore davantage les consolations de Dieu".

Mais il est peu probable que Benoît XVI se soit exprimé exactement de cette manière. Il n’a jamais employé l’expression "Église pécheresse" et il l’a toujours considérée comme erronée.
Pour ne citer qu’un seul exemple parmi tant d’autres, dans son homélie de l'Épiphanie 2008, il a défini l’Église tout autrement : "sainte et composée de pécheurs".

Et c’est en connaissance de cause qu’il l’a toujours définie de cette autre façon. A la fin des exercices spirituels de Carême en 2007 Benoît XVI a remercié le prédicateur – cette année-là, c’était le cardinal Giacomo Biffi – "de nous avoir aidé à aimer davantage l’Église, qui est 'immaculata ex maculatis', comme vous nous l’avez enseigné avec saint Ambroise".

L’expression “immaculata ex maculatis” se trouve en effet dans un passage du commentaire de l’Évangile de Luc par saint Ambroise. Elle veut dire que l’Église est sainte et sans tache bien qu’elle accueille en son sein des hommes tachés par le péché.

Le cardinal Biffi, spécialiste de saint Ambroise – le grand évêque de Milan au IVe siècle, celui-là même qui baptisa saint Augustin – a publié en 1996 un essai consacré précisément à ce sujet, dont le titre applique à l’Église une expression encore plus hardie : "Casta meretrix", chaste prostituée.

Cette dernière expression est, depuis des décennies, un lieu commun du catholicisme progressiste. Pour dire que l’Église est sainte "mais également pécheresse" et qu’elle doit toujours demander pardon pour "ses" péchés.

Pour affirmer la valeur de l’expression, on a l’habitude de l’attribuer aux Pères de l’Église en bloc. Par exemple Hans Küng a écrit dans son essai "L’Église" de 1969 – peut-être son dernier livre de véritable théologie – que l’Église "est une 'casta meretrix' comme on l’a souvent appelée depuis l'époque des Pères de l’Église".

Souvent ? Pour autant qu’on le sache, l’expression n’apparaît qu’une seule fois dans toutes les œuvres des Pères : dans le commentaire de l’Évangile de Luc par saint Ambroise. Aucun autre Père latin ou grec ne l’a jamais employée, ni avant ni après.

Le récent succès de l’expression a peut-être été favorisé par un essai d’ecclésiologie écrit en 1948 par le théologien Hans Urs von Balthasar et intitulé précisément "Casta meretrix". Toutefois il n’y a dans cet ouvrage aucune application directe de la nature de "pécheresse" à l’Église.

Mais en quel sens saint Ambroise a-t-il parlé de l’Église comme d’une "casta meretrix" ?

Simplement, saint Ambroise a voulu appliquer à l’Église la symbolique de Rahab, la prostituée de Jéricho qui, dans le livre de Josué, accueille et sauve dans sa maison des Juifs en fuite.

Déjà avant saint Ambroise, Rahab était considérée comme le "prototype" de l’Église. Il en est ainsi dans le Nouveau Testament, puis chez Clément de Rome, Justin, Irénée, Origène, Cyprien. L’expression "hors de l’Église, point de salut" est née précisément du symbole de la maison salvatrice de Rahab.

Voici le passage dans lequel saint Ambroise applique à l’Église l'expression "casta meretrix" :

"Rahab – qui originellement était une prostituée mais qui dans le mystère est l’Église – a indiqué en son sang le signe futur du salut universel au milieu du massacre du monde. Elle ne refuse pas l'union avec les nombreux fugitifs, elle est d’autant plus chaste qu’elle est plus étroitement unie au plus grand nombre d’entre eux ; elle qui est vierge immaculée, sans ride, intacte dans sa pudeur, amante publique, prostituée chaste, veuve stérile, vierge féconde... Prostituée chaste, parce que de nombreux amants viennent à elle par l’attrait de l'amour mais sans la souillure de la faute" (In Lucam III, 23).

Ce passage est très dense et il mériterait d’être analysé de près. Mais pour nous limiter à l'expression "casta meretrix", voici comment l’explique le cardinal Biffi :

"L'expression 'casta meretrix', loin de faire allusion à quelque chose d’immoral et de répréhensible, veut indiquer – non seulement par l’adjectif mais aussi par le substantif – la sainteté de l’Église. Sainteté qui consiste autant en son adhésion sans hésitations et sans incohérences au Christ son époux ('casta') qu’en la volonté de l’Église d’atteindre tous les hommes pour les conduire tous au salut ('meretrix')".

Si ensuite, aux yeux du monde, l’Église peut elle-même apparaître souillée par ses péchés et frappée par le mépris public, c’est un destin qui renvoie à celui de son fondateur, Jésus, lui aussi considéré comme un pécheur par les puissances terrestres de son époque.

C’est ce que dit encore saint Ambroise dans un autre passage de son commentaire de l’Évangile de Luc : "L’Église prend à juste titre l’aspect de la pécheresse, parce que le Christ aussi a pris l'apparence du pécheur" (In Lucam VI, 21).

Mais c’est justement parce qu’elle est sainte – de l’indéfectible sainteté qui lui vient du Christ – que l’Église peut accueillir en elle les pécheurs, souffrir avec eux de leurs maux et les soigner.

En des jours calamiteux comme ceux que nous vivons actuellement, pleins d’accusations qui tendent à contester justement la sainteté de l’Église, voilà une vérité à ne pas oublier.

 Traduction française par Charles de Pechpeyrou, Paris, France.

jeudi 27 mai 2010

Le rire libérateur de Philippe Muray


173209-fabrice-luchini-637x0-2 Alain Finkielkraut recevait Fabrice Luchini pour évoquer sa lecture de Philippe Muray au théâtre de l'atelier à Paris.
On peut aller voir le spectacle de Luchini en réservant sa place sur le site du théâtre de l'atelier.

lundi 24 mai 2010

L'attente


Nous attendons tous et cette attente peut se manifester dans la vie de tous les jours avec des sentiments de joie, d’angoisse ou  de tristesse car l’attente est liée à l’espérance. En effet, nous retrouvons ce sens  dans la langue de Cervantès avec le verbe « esperar » et en anglais avec   « to expect »    pour désigner une femme qui attend un enfant. L’Evangile est au cœur de cette attente en la personne de la Vierge Marie qui attend l’enfant Jésus. Elle apporte par le fait même, l’évangile ou la bonne nouvelle par son humble présence auprès de sa cousine Elizabeth qui elle-même, attend un enfant.
Cette attente est structurée par la foi. L’espérance  prend ses racines dans la foi. Les neuf mois pendant lesquels  Marie va attendre l’enfant Jésus vont devenir l’image de la joie chrétienne, comme les  mystères joyeux nous le rappellent. Dieu se sert de cette réalité que toutes les mères ont vécue, pour exprimer l’attente du  Messie.
La foi est au cœur de la vie et nous fait attendre autrement. Nous savions, avant même  les progrès de la médecine qu’un enfant communique et tressaille de joie dans le ventre de sa mère. Cette attente est nourrie par un dialogue très profond entre la mère et l’enfant qui devraient recevoir un accueil plus favorable dans nos sociétés mécanisées. Cette conception de l’attente devient alors source d’espérance et la distinction se fait mieux entre attendre quelque chose et quelqu’un.
Dans nos sociétés, nous faisons souvent,  dans l’attente,  passer l’objet avant la personne quand nous nous éloignons de la foi et de l’espérance qui sont le tissu même de la véritable attente. Dans ce cheminement, nous percevons la priorité à donner à la personne et nous comprenons que toute attente de quelque chose qui n’est pas au service de la personne ne peut pas vraiment susciter la joie. Imaginons un moment l’attente des trois enfants de Fatima après le 13 mai 1917 pour les apparitions qui vont suivre. Le temps avait pris alors pour ces petits, une autre dimension. Ils vivaient dans la foi pure.
La situation de Bernadette était comparable car elle restait fidèle aux rendez vous de la Vierge Marie, attente réciproque dans  l’espérance, avec une certaine appréhension de la part de Bernadette, de ne pas pouvoir se trouver à l’heure fixée par la belle Dame. Les trois petits de Fatima  avaient aussi vécu cette situation le 13 octobre 1917 car, c’est dans l’angoisse qu’ils l’attendaient, sous la pression des media de l’époque. 
Les  promesses du monde politique ou économique qui se traduisent souvent par une attente qui suscite  incertitudes et précarité ne sont pas de nature à donner aux personnes l’encouragement qu’elles méritent. 
Christian Bac                 

Le manque de vocation et l'âge moyen des prêtres en France


La moitié des 14 000 prêtres rattachés canoniquement à un diocèse en France ont plus de 75 ans, selon une étude statistique publiée hier par le quotidien « La Croix » et menée auprès de tous les diocèses de France métropolitaine.
Cette pyramide des âges est préoccupante pour l'Église catholique puisque la moitié des prêtres incardinés (c'est-à-dire rattachés à un diocèse) ont dépassé l'âge de la retraite qui est de 75 ans pour le clergé catholique. et la plupart d'entre eux poursuivent souvent leurs activités jusqu'à des âges avancés, faute de relève.
Par ailleurs, la moyenne nationale d'un prêtre pour 5 200 habitants recouvre des disparités géographiques importantes, souligne l'étude. Ainsi, en France, l'Ouest et le Nord ont un taux d'encadrement clérical relativement élevé, tandis que le Sud et le Sud-Ouest manquent de prêtres.
La situation de certains diocèses urbains est critique (comme à Bordeaux ou Montpellier) et la banlieue parisienne est « sinistrée » avec, par exemple, un prêtre pour 20 000 habitants à Saint-Denis.
Face à la crise des vocations, les diocèses font appel à des prêtres non incardinés, à des diacres et à des prêtres étrangers. Ainsi à Pontoise, qui compte 181 prêtres, 62 sont incardinés, 51 sont des prêtres étrangers « principalement polonais et africains » et 68 sont des religieux.

mardi 18 mai 2010

La messe à l'envers


L'espace liturgique en débat
Par Marc Levatois

Ce livre est en vente dans notre librairie en ligne. Vous pouvez l'acheter en cliquant sur la reproduction de la couverture.

Quand Paul Claudel, en 1955, dénonce la "messe à l'envers", il fustige par anticipation l'une des réformes liturgiques majeures qui vont se faire jour après Vatican II : à côté de l'abandon du latin et du rite tridentin, le déplacement des autels dans le chœur des églises, pour la célébration "face au peuple". Quand Benoît XVI, en 2007, publie un motu proprio ( lettre émise par le pape de La messe à l'envers : L'espace liturgique en débatsa propre initiative ) libéralisant la messe préconciliaire, une partie de l'opinion et de l'Eglise s'inquiète : il s'agirait d'une conception traditionaliste et intransigeante de la liturgie et d'un abandon de l'ouverture prônée par Vatican II ; les enjeux sont en réalité beaucoup plus complexes. Géographe de formation, Marc Levatois s'est intéressé à l'espace liturgique. En étudiant la configuration des églises avant et après Vatican II, il montre que les réformes entreprises à l'intérieur des lieux de culte ont, dans leur ensemble, consciemment ou non, tendu vers une abolition de la séparation entre espaces sacré et profane. Dans cette perspective, la réhabilitation du rite ancien s'inscrit dans la droite ligne de la pensée du cardinal Ratzinger, depuis toujours attaché à la "beauté de la liturgie", dans laquelle il voit une forme privilégiée d'accès au sacré, revalorisé dans une perspective pastorale. Par ailleurs, la volonté personnelle de Benoît XVI d'opérer une "réforme de la réforme" ne semble pas consister tant en une restauration stricte qu'en une réintroduction de l'espace dans la réflexion fondamentale sur la liturgie. L'instrumentalisation de cette question par les catholiques traditionalistes aussi bien que progressistes cache donc en réalité un questionnement plus profond, sur la nature même du sacré et son inscription dans l'espace. Tout le mérite de cet essai est de nous en livrer les clés.

samedi 15 mai 2010

La vérité vous rendra libre


Par cette pensée, le Christ nous invite à venir le rejoindre pour nous libérer de tout ce qui n’est pas la vérité.  Mais, comment le rejoindre dans une société  qui nous emprisonne dans nos préjugés et empoisonne la vie de l’esprit au point de nous empêcher de penser à la vérité. L’Eglise, éducatrice des peuples a reçu pour mission d’annoncer la vérité, indispensable à la vie de l’esprit.
 D’aucuns diront «  nous pouvons nous passer de la vérité ».Il est vrai que nous pouvons vivre avec un seul poumon ; un seul œil, une seule oreille et nous pourrions continuer la liste mais nous pouvons hélas constater que notre société  a bien du mal à trouver son  équilibre car effectivement, on nous prive de voir, d’entendre et de  respirer.
   Certains media nous montrent des spectacles qui provoquent chez les jeunes la révolte et la violence. Quant à ce qui leur est donné d’entendre ce n’est guère plus encourageant. Le souffle de l’esprit saint est contrarié dans sa mission et son élan vital.   
   Les sacrements de l’église nous rendent la vue, l’ouïe et le souffle de l’esprit comme l’a fait le Christ au cours de sa vie terrestre. Cette dimension spirituelle nous est indispensable et l’ignorer c’est affaiblir notre vie tout entière, en courant des dangers que nous sommes incapables de mesurer puisque nous n’en avons pas pris conscience. 
  L’église à la suite du Christ, par le baptême et  les autres sacrements, nous rétablit de toutes les oppressions dont nous sommes victimes. Ils sont vraiment un antidote à tout ce qui n’est pas la vérité.  
 La vérité c’est le Christ et le Christ est la vérité. Elle est donc facilement communicable à tous. Il est temps de sortir de la torpeur et de la peur dans cette société du paraître. Ecoutons la voix du Christ  par la parole du Pape. Retrouvons le rythme et la  vraie respiration  par la prière pour mieux voir et discerner les signes de notre temps.
 Tout ce qui est chrétien est humain et tout ce qui est humain est chrétien selon l’adage. Dans une société où on atteint de tels degrés de violence contre la personne dans tous les domaines de la vie sociale,  nous pouvons légitimement nous  demander si la vérité n’est pas l’unique solution et la seule porte de salut pour nous sortir des difficultés qui risquent de nous conduire dans une spirale sans fin de violence incontrôlable.
   La voix du Pape s’est fait entendre une fois de plus au Portugal pour se joindre aux  enfants de Fatima qui, le 13 mai 1917 recevaient un message céleste pour montrer au monde la solution aux problèmes de notre temps. Plus d’un demi-million de pèlerins se sont joints à Benoit xvi  pour acclamer spontanément la vérité.  OUI, dans notre désert nous pouvons nous rassembler autour de cette colonne blanche pour reprendre notre souffle. 
Christian Bac          

Face aux guerres : Catholiques et Musulmans ensemble pour la paix


Les Cahiers Disputatio viennent de publier un numéro consacré à la question de la guerre. Dans ce numéro, plusieurs intervenants ont voulu prendre le contre-pied de la théorie du choc des civilisations. 
Souvenons-nous que L’UNESCO avait décerné en septembre 2005 le prix pour la recherche de la paix dans le monde à deux personnalités religieuses : le cardinal Etchegaray, membre de l’Académie des Sciences morales et politiques et à Mustapha Ceric, grand mufti de Bosnie-Herzégovine.
La radio en ligne Canal Académie avait alors consacré une émission à cet événement

vendredi 14 mai 2010

Gilbert Keith Chesterton


Alain Finkielkraut évoquait la personnalité et l'oeuvre de 

L'éblouissant Chesterton 

avec Jacques Dewitte et Basile De koch

jeudi 13 mai 2010

Controverse sur le mot "barbare"


A propos de la barbarie des Vikings

BOYER, Régis, Le Christ des barbares : le monde nordique (IXème-XIIIème siècle), Paris, 2007. ISBN 9782204027663. 23, 10 euros

             Il est inutile de présenter Régis Boyer. Soulignons simplement que c'est le chercheur qui a révolutionné la perception que l'on avait des germains scandinaves. Grâce à ses études les barbares  romantico-folkloriques ont laissé place à une perception bien plus réaliste d'un peuple avant tout caractérisé par son pragmatisme.
            L'ouvrage écrit par le professeur Boyer est inscrit dans la collection Jésus depuis Jésus desÉdition du cerf qui a pour projet d'étudier l'image du Christ dans de nombreux peuples à travers l'Histoire. Dans le cas viking, c'est la perception du Christ qu'ont eu les Scandinaves, mais au delà de cela, les relations entre Païens et Chrétiens, la victoire du christianisme et ses raisons.
             Nous nous souvenons tous de nos enseignants qui ont présenté depuis 150 ans de manière complaisante ces barbares venus du Nord pour détruire les abbayes, piller leurs richesses et massacrer les moines. Cette vision partielle et partiale ne saurait rendre justice à ce peuple.
 Régis Boyer tord le cou à l'idée du  sauvage Scandinave rapporté par une lecture naïve des auteurs chrétiens carolingiens. Le « barbare» est en réalité un fin homo religiosus. Les croyances des Scandinaves sont complexes, et un fait central de la démonstration de l'auteur est que la religion viking « s'adresse à l'ici et au maintenant » : les dieux sont adorés parce qu'ils sont efficaces. Loin d'être des barbares sanguinaires, les Germains du Nord aspiraient à la paix et aux bonnes relations sociales. Leur religion est tout à fait à cette image : le Scandinave adore les dieux de ses aînés, mais reste tolérant.
             L'élément qui nous intéressera le plus, le centre de l'ouvrage, est la relation qu'avaient les Scandinaves avec le christianisme.
Le professeur Boyer rappelle que les Germains du Nord entretenaient des relations commerciales avec le monde chrétien dés le VIème siècle. Les diverses missions, les contacts avec les Celtes ou les Carolingiens, et l'obligation pour les païens de recevoir la primosignatio pour commercer avec les Chrétiens,  acclimatèrent les Scandinaves à l'image du Christ.
En parallèle de ces relations, le professeur Boyer démontre l'existence de structures religieuses communes entre les deux religions. Par exemple le dieu Baldr rappelle fortement le Christ : un dieu jeune, beau, aimé de tous et qui règnera sur le monde après sa destruction.
Malgré tout un concept fondamental de la religion chrétienne reste totalement étranger à la pensée religieuse scandinave : le repentir et le pardon. Un dieu réclamant d'aimer son prochain, de se repentir de ses péchés, et de pardonner est quelque chose de totalement nouveau pour les Germains du Nord qui étaient des hommes de loi et de droit (ce qui bien entendu n'exclut pas l'amour). Ceci dit on comprend mieux comment s'implanta le christianisme. C'est en grande partie par le biais de la politique que la conversion se fit chez les Germains du Nord. L'accession à des terres dans l'empire carolingien était soumise au baptême. Les relations commerciales et politiques avec l'empire étaient facilitées par la conversion ou du moins la primosignatio.
Les rois convertis furent également les vecteurs de l'intégration de la Scandinavie à la Chrétienté. Saint Olafr de Norvége fut ainsi un formidable évangélisateur.

Mais le Christ fut apprécié également pour sa puissance, ce qui en premier lieu lui permit d'être adopté comme un des dieux des vikings.
Cette intégration prit ensuite lors de la conversion du Nord la direction opposée. Les dieux scandinaves furent intégrés à la religion chrétienne en tant que saints. Ainsi Saint Michel est-il proche d'Odhinn, ils sont porteurs de lances, psychopompes.
Le Christ lui-même fut sujet à adaptation culturelle, la plus intéressante et émouvante est celle en tant que dreng gódr, le bon camarade altruiste et de qui vient tout aide. Du fait de son omniprésence, il est le dieu le plus puissant et sur qui on peut compter.
             Cet ouvrage est indispensable à la lecture pour le chrétien et l'historien. Il est un moyen de comprendre l'intégration du christianisme en Europe du Nord dans toute sa complexité, mais nous fait également réfléchir sur une part de notre folklore et de nos saints locaux qui recouvrent régulièrement d'anciens paganismes.
Raphaël Nicolle
Université de Paris 10

Prière du Pape à Notre Dame de Fatima


Le péché dans l'Eglise


mercredi 12 mai 2010

Women’s Lives in Biblical Times


By Jennie R. Ebeling
T&T Clark International
ISBN 9780567196446
192 pages
$32.95 paper

The recent explosion of novels about female characters in the Hebrew Bible/Old Testament proves that there is great interest in the lives of biblical women. But can we be sure that these highly dramatized reconstructions are based on actual evidence for the lives of women in ancient Israel? Women’s Lives in Biblical Times looks to recent biblical scholarship along with archaeological, iconographic and ethnographic data to reconstruct the life of a hypothetical woman living in an ancient Israelite village in the period of the Judges, ca. 1100 BCE. Each chapter begins with a narrative describing this woman’s life at various ages from her birth to her final illness and death, and continues with an academic discussion of the daily life activities and lifecycle events described in the narrative. Women’s Lives in Biblical Times is thus an engaging and accessible source for anyone interested in looking beyond the romanticized accounts of biblical women’s lives to a discussion of what we really know about them.

lundi 10 mai 2010

Note de voyage : Sainte-Sophie de Nicée en Turquie


114 Le voyage que nous venons d’effectuer avec plaisir en Turquie, nous a donné l’occasion en passant à Nicée, de nous remettre en mémoire notre passé chrétien avec tous les vestiges qui sont comme les témoins immortels de la vie spirituelle. Vestiges que les autorités publiques cherchent  malgré tout à protéger et, d’ailleurs l’accueil du gardien des lieux de Sainte-Sophie de Nicée nous a réconfortés. 
  Les pierres vivantes que sont les Chrétiens  peuvent  pleurer devant toutes  les  pierres qui souffrent de ne plus pouvoir annoncer la bonne nouvelle de Jésus- Christ  et nous pensons à tous les lieux profanés en France et à travers le monde qui se trouvent dans la même désolation. Mais, ces pierres nous invitent à la prière et à la méditation pour nous montrer que la montée de notre Seigneur Jésus sur le Golgotha  n’a pas été facile. 111
 
  « Le Peuple de Dieu dans sa condition terrestre, a besoin de lieux où la communauté peut se rassembler pour célébrer la liturgie » peut-on lire dans le compendium du catéchisme de l’Eglise Catholique (article 244). Et, nous comprenons encore mieux cette nécessité quand nous nous trouvons dans ce lieu prestigieux -  Ste Sophie de Nicée - où nous éprouvons le besoin de louer Dieu quoique discrètement, pour nous associer un court instant à la présence de l’esprit saint qui, en 787,  a présidé au grand concile de Nicée où se trouvaient réunis le patriarche de Constantinople et les deux légats du Pape.  C’est à l’unanimité que des décisions ont été prises concernant la querelle des images dans l’Eglise d’Orient.
    Oui, C’est bien sous le pontificat d’Hadrien Ier que s’est tenu cet illustre concile entre le  23 septembre et le  24 octobre 787,  aussi nous nous tournons vers l’Eglise de la Madeleine à Paris qui ressemble aux temples de l’antiquité dont la plupart ont, eux aussi, souffert de l’histoire, pour penser à notre baptême. Et, si l’église de la Madeleine devait se retrouver dans le même état que l’église de Nicée que nous avons vue ?
   Ce concile s’était réuni pour parler des icônes dont on reconnaissait la dimension liturgique et sacrée. Ces images  opéraient dans certains cas des miracles, raison supplémentaire de  les honorer. L’édifice que nous avons visité a été partiellement rénové à l’extérieur, mais l’intérieur a été défiguré.  Il constitue cependant un témoignage émouvant et une raison suffisante pour s’y arrêter un instant afin de méditer sur nos racines chrétiennes.
 Devant des murs nus, autrefois couverts de fresques somptueuses qui ont dû sans nul doute influencer les participants de ce concile en faveur de ces saintes représentations, s’élevaient les chants et l’encens pour louer Jésus ressuscité.   
Christian Bac            

sortie du n°3 de l'1visible


Invisible
 Le mensuel gratuit catholique l'1visible vient de sortir son troisième numéro.
tous les renseignements peuvent être trouvés sur : www.l1visible.com
Une équipe distribue le journal :

dimanche 9 mai 2010

Die Samaritaner in der biblischen Tradition


Die Samaritaner in der biblischen Tradition – die jüdische und frühchristliche Geschichte in samaritanischen Quellen Internationales Symposioum zur Eröffnung des Studiengangs «Antikes Judentum» der Universitäten Zürich und Bern Mitwoch 30. Juni 2010 bis Freitag 2. Juli 2010 Universität Zürich Theologisches Seminar Kirchgasse 9
CH-8001 Zürich, Raum 200

Organisation:
Prof. Dr. Jörg Frey und
Prof. Dr. Konrad Schmid, Zürich
in Zusammenarbeit mit
Dr. Ursula Schattner-Rieser, Paris/Zürich

Die biblische Überlieferung berichtet von Samariern oder Samaritanern, doch bleibt das eigentliche Profil und die Geschichte dieser Gruppierung weithin im Dunkeln oder verzerrt.
Die samaritanischen Quellen bieten ihrerseits ganz eigene Zugänge zur biblischen, früh- jüdischen und frühchristlichen Überlieferung. Beide Perspektiven sollen in den Beiträgen international bekannter Samaritanologen, Bibel- und Religionswissenschaftler miteinander ins Gespräch gebracht werden. Dabei soll die Bedeutung der samaritanischen Quellen und die Geschichte der Samaritaner als einer altisraelitischen Religionsgemeinschaft, die ja neben dem Judentum bis heute existiert und eine ganz eigene Tradition des Bibeltextes (mit einer nur mündlich überlieferten Aussprachetradition), eigene Riten und eine eigene geschichtliche Überlieferung besitzt, ins Bewusstsein gerufen werden.

Höhepunkte des Programms sind die Präsentation der samaritanischen Handschriften in der Zentralbibliothek Zürich sowie die Vorstellung samaritanischen Lebens in der Gegenwart durch einen prominenten Vertreter der samaritanischen Religionsgemeinschaft.
Zur Teilnahme eingeladen sind alle Interessierten: Fachkolleginnen und Fachkollegen, Promovenden und interessierte Studierende aus dem gesamten Netzwerk der Schweizer Theologischen Fakultäten und darüber hinaus.

Programm
Mittwoch 30. Juni 2010
9.00 — 9.15 Uhr
Prof. Dr. Jörg Frey, Zürich
Eröffnung
9.15 — 10.15 Uhr
Prof. Dr. Konrad Schmid, Zürich
Die Samaritaner und die Judäer: Die biblische Diskussion und ihr Verhältnis in Josua 24 Kaffee
10.45 —11.45 Uhr
Prof. Dr. Magnar Kartveit, Stavanger
The Second Temple and the temple of the Samaritans
11.45 — 12.45 Uhr Prof. Dr. Reinhard Pummer, Toronto Alexander und die Samaritaner nach Josephus und nach samaritanischen Quellen
12.45 — 13.00 Uhr Grusswort des Prorektors der Universität Zürich:
Prof. Dr. Otfried Jarren
Vorstellung des neuen Studiengangs Antikes Judentum Mittagspause – Imbiss 15.00 – 16.00 Uhr Prof. Dr. Bob Becking, Utrecht Samaritan Indentity in the earliest documents 16.00 — 17.00 Uhr Dr. Jan Dušek, Prag Les manuscrits araméens du Wadi Daliyeh et l’histoire de la Samarie 17.00 — 18.00 Uhr Prof. Dr. Gary Knoppers, Philadelphia Jewish Conceptions of Samaritan Origins and Samaritan Conceptions of Jewish Origins 19.00 — 20.30 Uhr Öffentlicher Abendvortrag: Prof. Dr. Stefan Schorch, Halle Der Pentateuch der Samaritaner: Seine Erforschung und seine Bedeutung für das Verständnis des «alttestamentlichen» Bibeltextes
Grusswort: Prof. Dr. Magnar Kartveit, Präsident der Société des Etudes Samaritaines 21.00 Uhr Abendessen

Donnerstag 1. Juli 2010
9.00 — 10.00 Uhr
Benjamim Tsedaka, Tel Aviv
Most Significant Differences Between SP and MT as between Samaritan and Jewish Philosophy Kaffee 10.30 – 11.30 Uhr Dr. Kevin Trehuedic, Paris Alexander, the Hellenistic Kingdoms, and the Jewish History of the Hasmonean Period according to the Samaritan Sources 11.30 – 12.30 Uhr Dr. Moshe Florentin, Tel Aviv The Contribution of late Samaritan liturgy for understanding ancient Hebrew texts Mittagspause Imbiss 14.30 – 15.30 Uhr Prof. Eggenberger, Zürich Präsentation der Samaritanischen Handschriften in der Zentralbibliothek Zürich Kaffee
16.15 – 17.15 Uhr
Dr. Paul Stenhouse, Kensington/Australia Samaritan Chronicles: A neglected resource in Jewish and Christian theological studies
17.15 – 18.15 Uhr
Dr. Ursula Schattner-Rieser, Paris/Zürich Die Überlieferung über Jesus und das frühe Christentum in den samaritanischen Chroniken 19.30 – 20.30 Uhr Öffentlicher Abendvortrag: Prof. Dr. Jörg Frey, Zürich «Gute Samaritaner?» Die Jesus-Bewegung zwischen Galiläern, Judäern und Samaritanern und das Bild der Samaritaner im Neuen Testament 21.00 Uhr Abendessen

Freitag 2. Juli 2010
9.30 – 10.30 Uhr
Prof. Dr. Ingrid Hjelm, Kopenhagen
Simon Magus in Patristic and Samaritan Sources Kaffee 11.00 – 12.00 Uhr Prof. Dr. Andreas Lehnardt, Mainz «Die Gestalt einer Taube fanden sie auf dem Garizim und beteten sie an» (bHulin 6a) – Antisamaritanische Polemik und Hinweise auf die samaritanische Geschichte in der rabbinischen Literatur 12.00 – 13.00 Uhr Jean—Marie Duchemin MA, Grenoble La question des sources de l’Asatir Mittagspause — Imbiss 14.30 — 15.30 Uhr Dr. Gerhard Wedel, Berlin Der islamische Einfluss auf die Entwicklung und Formulierung einer samaritanischen Theologie Kaffee 16.00 – 17:00 Uhr Öffentlicher Abschluss:
Benjamim Tsedaka, Holon/Tel Aviv
The Israelite-Samaritans as a Contemporary Religious Group.
Samaritan Identity and Life Today
17.00 Uhr Abschluss

Anfahrtsweg:
Ab Hauptbahnhof Zürich Tram 4 (Richtung Tiefenbrunnen) bis Haltestelle Helmhaus. Treppe auf der gegenüberliegenden Strassenseite hochlaufen, rechts abbiegen, bis zur Kirchgasse und links hochlaufen bis zur Nr.
9.

Controverse sur le mot "barbare"


Barbares et civilisés chez les auteurs romains du 1er s. av. J.-C.
Dans une lettre de 59 av. J.-C. adressée à son frère Quintus, gouverneur de la province d’Asie depuis deux ans, Cicéron écrit[1] :
« Attache-toi donc de tout ton cœur et avec toutes les ressources de ta volonté à gouverner selon les principes que tu as suivis jusqu’ici : aimer, protéger de toute manière, rendre aussi heureuses que possible les populations que le Sénat et le peuple romain ont placées sous ta loyale protection et remises en ton pouvoir. Si le tirage au sort t’avait désigné pour gouverner des Africains, des Espagnols ou des Gaulois, nations barbares et incultes, il n’en eût pas moins été de ton devoir d’homme civilisé de penser à leur bonheur, de te dévouer à leurs intérêts et à la protection de leurs existences. Mais quand les hommes placés sous nos ordres sont d’une race qui, non contente d’être civilisée, passe pour être le berceau de la civilisation, à coup sûr ils ont droit au premier chef à ce que nous leur rendions ce que nous avons reçu d’eux. Je ne rougirai pas de le dire, surtout quand ma vie et mes actes ne peuvent prêter au moindre soupçon d’indolence ou de légèreté : ce que nous sommes devenus, nous le devons à des études, à des sciences et des arts qui nous ont été transmis par les œuvres et les enseignements des Grecs. C’est pourquoi ici la loyale protection qui est due généralement à tous les peuples ne suffit pas : nous avons, semble-t-il, un devoir particulier envers la race des hommes que tu gouvernes : ils ont été nos précepteurs, il nous faut avoir à cœur de faire paraître, dans nos rapports avec eux, ce qu’ils nous ont appris »[2]
De ces quelques lignes se dégagent trois caractéristiques essentielles de la vision de l’étranger et de l’identité romaine au 1er s. av. J.-C. Le premier trait saillant de cette vision réside dans la distinction liminaire établie entre des peuples barbares –ici, les Africains, les Espagnols et les Gaulois- et des peuples non-barbares, c'est-à-dire civilisés. Pour Cicéron, il va de soi que l’humanité est divisée en ces deux catégories : selon les mots de P. Veyne, « comme les plantes, les hommes existent (…) sous deux formes : les uns vivent à l’état sauvage, les autres sont améliorés par la culture »[3]. Le deuxième point concerne la place particulière occupée par les Grecs dans cette vision de l’humanité : si la civilisation (humanitas) est, aux yeux de Cicéron, une civilisation gréco-romaine, cette civilisation a d’abord été exclusivement grecque. Les Romains apparaissent ainsi comme les disciples et les héritiers des « inventeurs » de la civilisation. Un dernier trait, enfin, plus proprement cicéronien, peut-être, que romain, mais qui n’est autre que l’expression d’une logique romaine poussée à l’extrême, consiste dans l’affirmation d’un devoir éthique envers l’ensemble des sujets de l’empire : qu’ils soient civilisés ou barbares, tous méritent, en vertu de leur commune appartenance au genre humain, la bienveillance de leurs maîtres romains –bienveillance que Cicéron voit, précisément, comme un témoignage éclatant de civilisation, humanitas.   

Par son caractère synthétique et prescriptif, la lettre à Quintus apparaît ainsi comme un point de départ idéal pour une réflexion plus générale sur la distinction entre barbares et civilisés chez les auteurs romains du 1er s. av. J.-C. Mais il convient d’abord de dire quelques mots sur la période elle-même. Pourquoi accorder une attention particulière au dernier siècle de la République ? Le 2ème s. av. J.-C., marqué par la pénétration de l’hellénisme à Rome, à la suite de la rapide conquête du monde grec, ne constitue-t-il pas, déjà, un moment important de remise en question de l’identité romaine et d’interrogation sur les rapports de Rome et des peuples conquis, tant grecs que barbares ? Il serait vain de le nier, mais, outre le fait que les sources disponibles pour le 2èmesiècle sont moins nombreuses et d’un maniement moins aisé que celles du siècle suivant, le 1ersiècle nous semble mériter une attention particulière pour deux raisons. D’abord parce que les questions qui se posent au 2ème siècle –qu’est-ce que la romanité ? l’extension de l’empire est-elle responsable de la crise identitaire et morale que traverse Rome ?- trouvent une résonance plus aiguë encore au siècle suivant.





[1] Sur cette lettre, cf. FERRARY (J.-L.), Philhellénisme et impérialisme. Aspects idéologiques de la conquête romaine du monde hellénistique, de la seconde guerre de Macédoine à la guerre contre Mithridate, Rome, BEFAR, 1988, p.511-516 ; MOATTI (C.), La Raison de Rome, Paris, Seuil, 1997, p.91-92 ; VEYNE (P.), « Humanitas : les Romains et les autres », L’homme romain,GIARDINA (A.) (éd.), Paris, Points-Seuil, 2002, p.437-478, notamment p.459-460.
[2] Quapropter incumbe toto animo et studio omni in eam rationem, qua adhuc usus es, ut eos, quos tuae fidei potestatique senatus populusque Romanus commisit et credidit, diligas et omni ratione tueare et esse quam beatissimos uelis. Quod si te sors Afris aut Hispanis aut Gallis praefecisset, immanibus ac barbaris nationibus, tamen esset humanitatis tuae consulere eorum commodis et utilitati salutique seruire ; cum uero ei generi hominum praesimus, non modo in quo ipso sit, sed etiam a quo ad alios peruenisse putetur humanitas, certe iis eam potissimum tribuere debemus, a quibus accepimus ; non enim me hoc iam dicere pudebit, praesertim in ea uita atque iis rebus gestis, in quibus non potest residere inertiae aut leuitatis ulla suscipio, nos ea, quae consecuti sumus iis studiis et artibus esse adeptos, quae sint nobis Graeciae monumentis disciplinisque tradita. Quare praeter communem fidem, quae omnibus debetur, praeterea nos isti hominum generi praecipue debere uidemur, ut, quorum praeceptis sumus eruditi, apud eos ipsos, quod ab iis didicerimus, uelimus expromere (ad Q. fr. I,1,27-28). (Les textes latins et grecs sont cités dans la traduction de la C.U.F.)
[3] VEYNE, art. cit., p.438.

Le pape doit-il se rendre en Angleterre ?


  • communiqué de Bill Donohue, le président de la Catholic League, paru sur le blog de Daniel Hamiche, http://www.americatho.org/

  • « Beaucoup de signes de mauvais augure entourent la visite du pape Benoît XVI en septembre prochain.

  • Premièrement, il y a désormais plus de 100 000 Britanniques à avoir signé des “certificats de dé-baptême”, renonçant ainsi à leur ancien statut de chrétien.

  • Deuxièmement, il y a des athées chevaucheurs de haine comme Richard Dawkins qui paient des avocats anti-catholiques pour trouver le moyen de faire arrêter le pape pour « crimes contre l’humanité ».

  • Troisièmement, l’acharnement anti-catholique des médias britanniques prospère.

  • Quatrièmement, la liberté de parole et la liberté de religion pour les chrétiens sont devenues très ténues.

  • Concernant mon dernier point, cette semaine même, un prêcheur de rue chrétien a été arrêté en Grande-Bretagne pour crime de diffusion de l’Évangile. Pour être précis, un homme, un baptiste de 42 ans, a été arrêté par une policière quand elle l’a entendu dire que c’était un péché que de blasphémer, de s’enivrer ou d’avoir des relations homosexuelles. C’est ce dernier commentaire selon lequel l’homosexualité est un péché, qui lui a valu de se retrouver dans le pétrin : on l’a jeté en prison pour infraction à une loi de 1986 qui punit tout discours injurieux. Et on ne s’est pas contenté de cela : on lui a pris ses empreintes digitales, prélevé son ADN et scanné sa rétine (ils pensaient peut-être que c’était un jumeau). À présent, ce révolutionnaire des temps modernes va passer en jugement. S’il avait été un jeune musulman appelant au Jihad, ou un Britannique lambda passant sa rage sur les catholiques, cela aurait été toléré, sinon encouragé. Et je n’exagère pas.
  • Il y a des moments ou le dialogue est une erreur. Nous sommes dans un de ces moments-là. »

jeudi 6 mai 2010

Controverse sur le mot barbare


Quelques remarques sur le barbare à l’époque hittite et en Grèce ancienne
La thèse : à l’époque hittite le barbare est celui qui pratique l’inceste. Chez les Grecs on ajoute un certain nombre de caractéristiques secondaires à cet élément de base qui peut remonter au monde indo-européen. 




Les barbares chez les Hittites
Pour les Hittites la prohibition de l’inceste définit la civilisationSuppiluliuma I (1350-1319) ou son scribe définit l’inceste par le terme dampupi, qu’on peut traduire par « barbare, sauvage ». Selon le texte du Traité entre Suppiluliuma et Haqquna de Hayasa, Huqana pratique l’inceste parce qu’il est originaire de Hayasa[i]. Les habitants de Hayasa, qui sont des barbares, pratiquent l’inceste[ii]. On trouve la même thématique chez les Grecs. L’inceste y est considéré comme une marque de barbarie. Ainsi  dans un passage bien connu d’Andromaque, Euripide écrit : « Toute la race des barbares est ainsi faite. Le père y couche avec la fille, le fils avec la mère, la sœur avec le frère »[iii].

Inversement les Hittites, qui sont des gens civilisés, ont prohibé l’inceste et exerce une violente répression à l’égard de ceux qui s’y livreraient. Ainsi pour les Hittites l’interdiction de l’inceste définit la civilisation. Celui qui pratique l’inceste est un barbare, un dampupi, littéralement un individu « inexpérimenté »,  un être frustre qui ne connaît pas les usages de  la civilisation, mais qui est capable d’éducation et d’intégration. Les conséquences de l’inceste sont évoquées succinctement dans le traité. Le pays barbare pratiquant l’inceste est en proie aux troubles et à l’agitation (zahhan). En revanche, l’adultère et le viol n’entrent pas dans la catégorie des hurkel et ne sont pas non plus désignés par un terme spécifique, à l’exception de la concupiscence qui se porterait sur les femmes du palais.  Cette limite qui définit le cadre au-delà duquel l’homme cesse d’être un civilisé, est de nature religieuse. Les contrevenants s’exposent à la punition divine. L’inceste est considéré comme ce qui n’est pas permis natta ara. Watkins a montré que l’expression hittite natta ara était équivalente du grec ouk osia « il n’est pas permis ». Le termeosia concerne les normes de la religion et de la morale, et définit ce qui est permis, ce qui est juste, ce qui est conforme aux lois divines, et s’oppose au to adikion « ce qui est injuste »[iv].
D’où l’idée que l’inceste, qui est considéré dans le Traité de Suppiluliuma et de Huqqanacomme natta ara, est chez les Hittites un crime fondamentalement religieux. Les termes ikibbu et NIG.GÍG, qui sont équivalents en akkadien et en sumérien, interdisent différentes actions sexuelles et sont employés dans un contexte religieux. 

La question suivante est celle-ci. Les Gasgas qui sont les « ennemis héréditaires » des Hittites,  sont considérés par eux comme de barbares ?  
Les Gasgas. Nous reprenons ici en partie les analyses de Jacques Freu[v].
 De nombreux textes évoquent  les rapports noués avec les Gasgas et la lutte incessante menée contre eux pour protéger de leurs razzias les cités, les récoltes et le bétail. Ils évoquent une situation endémique, dont l’absence de données datées empêche de suivre l'évolution et de préciser les circonstances de l’effondrement final.
Dans la lettre Mşt 75/47 le roi cite le courrier que lui avaient adressé Hulla, Kaššu et Zilapiya, les trois responsables militaires du district de Tapikka, absents de la région lors de l’envoi de cette correspondance : « Alors que nous étions à Œattuša, nous avons appris que les Gasgas ont pris du bétail et coupé les routes » (HBM 17 : 5-8). Ils ajoutaient que l’un de leurs subordonnés avait envoyé des guetteurs (šapašalli) surveiller les mouvements de l’ennemi (et de ses « espions ») qui menaçait la ville de Marišta (ibid : 15-20).
Le pillage des récoltes et le rapt du bétail sont les craintes exprimées le plus fréquemment par le souverain qui ne cesse de donner des ordres en conséquence, comme dans le cas de l’attaque de nuit menée par deux groupes de 600 et de 400 Gasgas qui avait abouti à un tel désastre à Kašipura (HBM 25)[vi]. Une invasion de sauterelles ayant détruit les récoltes des Gasgas des précautions devaient être prises autour de la même localité pour empêcher les Gasgas de venir enlever celles du district[vii]. Un domaine de la reine, à Kappušiya, n’avait pas été épargné. Les Gasgas s’y étaient emparé de 30 têtes de bétail et de 10 hommes[viii], etc.
Pour faire face à cette situation le Grand Roi, Tuthaliya III, le gouverneur (BĒL.MADGALTI) Himuili et les commandants des troupes, Hulla, Kaššu (UGULA NIMGIR.ERÍN.MEŠ, « commandant des hérauts militaires » selon Beal)[ix], et d’autres, organisent les concentrations et les mouvements des troupes en fonction des menaces et disposent d’un important « service de renseignements » dont les « guetteurs » (ou espions, šapašalli) sont le fer de lance. Les points d’appui hittite au nord et au nord-est de Hattuša, forteresses ou chefs-lieux de districts, sont dominés par des zones montagneuses d’où l’ennemi peut surgir à tout instant et attaquer à revers les troupes en mouvement. Kaššu a été surpris de cette façon par les Gasgas qui lui ont pris 40 bovins et 100 moutons. Le commandant hittite dit les avoir poursuivis  et leur avoir tué ou fait prisonniers 16 hommes[x].
Le grand Roi était particulièrement attentif à la « soumission » de chefs de clans ou de tribus et aux ralliements en masse de populations gasgas désireuses de conclure des accords de bon voisinage comparables à ceux dont on a conservé le texte. Un certain Marruwa ayant « capitulé », le roi hittite menace Kaššu des pires sanctions (être aveuglé sur-le-champ) s’il ne lui expédie pas sans attendre le personnage, appelé d’abord « l’homme de Himuwa » (Mşt 75-45 ; 3-4), puis « l’homme de Gagadduwa (Mşt 75/69 : 8-9)[xi]. Himuwa faisait partie des cités tombées aux mains de l’ennemi énumérées par la prière d’Arnuwanda et d’Ašmunikal. Elle était de nouveau contrôlée par les Hittites sous le règne de leur successeur. Un bon exemple de ces ralliements en nombre est fourni par la lettre Mşt 75/112: 17-32. Kaššu a averti le roi, qui répète ses paroles dans sa réponse, que les Gasgas de la région d’Ishupitta sont venus « en masse » demander la paix et qu’il les lui a envoyés[xii], ce qui n’a pas empêché d’autres gasgas de l’attaquer dans les environs de cette bourgade.
Les textes de Maşat rapportent le cas de prisonniers faits par les Hittites au cours de combats et déportés en tant que « captifs », NAM.RA.MEŠ (arnuwala). Il apparaît que nombre d’entre eux étaient aveuglés et confinés à des tâches serviles. Parmi les personnes énumérées par la liste HKM 102[xiii] il est précisé qu’un dénommé Taniti (de Taggašta) n’a pas été aveuglé et que sa rançon sera éventuellement de « deux garçons otages et un homme ». Il s’agissait sans doute d’un « notable » gasga dont on attendait qu’il soit racheté.
Pihina (de Kuruptašša) qui a été aveuglé, sera, quant à lui, échangé contre deux femmes et trois bovins. Une large proportion des NAM.RA.MEŠ mentionnés en HKM 102 a subi ce traitement dont il est difficile de dire s’il était réservé aux Gasgas et destiné à semer la terreur parmi eux[xiv].
Il  est possible que la tablette Mşt 75/113 ait fait partie du lot le plus récent des lettres parvenues à Tapikka. Un dignitaire nommé Adad-bēli avait averti le roi que l’ennemi avait attaqué « en masse » en deux points de la frontière. Une colonne l’avait franchie à Ištaruwa et une autre à Zišpa. Les Gasgas s’étaient dirigés ensuite vers le mont Šakkadunuwa qui dominait la région de Tapikka et le commandant hittite avait envoyé ses guetteurs sur le mont Happiduini pour surveiller la marche de l’ennemi et ramener les troupeaux à Tapikka quand la route serait libre[xv]. Les montagnards s’infiltraient facilement en empruntant les sentiers de la montagne pour tourner les forteresses hittites. A la fin du règne Tapikka est tombée aux mains des Gasgas et a été détruite. Le sceau du roi Tuthaliya III est resté imprimé sur des fragments de tablette que les archéologues ont mis à jour lors des fouilles de Maşat Höyük. Cette catastrophe a été vraisemblablement l’un des épisodes de ce que l’on a appelé « l’invasion concentrique » qui, si l’on en croit un « décret » de Hattušili III, a permis aux ennemis du Hatti d’envahir son territoire à partir de tous les horizons : « Autrefois le pays hittite fut saccagé par les pays étrangers. L’ennemi gasga vint et saccagea les pays hittites et fit de Nenašša (Nanessos) sa frontière.  En direction du Bas-Pays vint l’ennemi d’Arzawa et lui aussi saccagea les pays hittites et fit de Tuwananna (Tyane) et Uda (Hydé) sa frontière. De loin l’ennemi d’Arawanna vint et saccagea tout le pays de Kaššiya (région d’Ankara). De loin l’ennemi d’Azzi (= Hayaša) vint et saccagea tout le Haut-Pays et fit de Šamuha sa frontière. L’ennemi d’Išuwa vint et saccagea le pays de Tegarama (assyrien Til Garimmu, turc Gürün). De loin l’ennemi d’Armatana vint et saccagea les pays hittites et fit de Kizzuwatna (Kummani) sa frontière. Et la cité de Hattuša fut livrée aux flammes…seule la maison hešti de…échappa »[xvi].
Bien que le texte ne le dise pas il est certain que ce sont les Gasgas, venus du nord et les plus proches de la capitale qui ont brûlé Hattuša. Il est aussi probable que cette grave crise qui a menacé la vie du royaume a été le prétexte du coup d’état qui a fait de Šuppiluliuma l’héritier du trône et l’agent du redressement du Hatti.

Ces différents textes montrent que la lutte entre les Hittites et les Gasgas a été endémique. Le textes révèlent que les Gasgas commettent des crimes abominables. Ils s’attaquent notamment aux biens des dieux et respectent pas leurs serments. Mais en aucun cas il ne sont accusés de pratiquer l’inceste, comme c’est le cas des habitants de Hayasa. Ils ne sont donc jamais considérés comme des barbares. Par ailleurs les habitants de Hayasa qui pratiquent l’inceste  peuvent être intégrés, civilisés. Cette constatation suggère que la barbarie relève pour les Hittites de comportements sexuels incesteux.
Ni dans le cas des Gasgas ni dans le cas des habitants de Hayasa il n’est fait allusion au langage utilisé.

 Dans le monde grec 
Les critères utilisés pour définir le barbare sont à la fois analogues, à la fois différents.


Critère commun. L’inceste. L’inceste y est considéré comme une marque de barbarie. Ainsi  dans un passage bien connu d’Andromaque, Euripide écrit : « Toute la race des barbares est ainsi faite. Le père y couche avec la fille, le fils avec la mère, la sœur avec le frère »[xvii].

 Mais d’autres critères définissent la barbarie

Une langue différente.
Homère évoque « les Cariens à la voix barbare ». (Iliade chant 1)
       Il évoque Héphaistos qui est allé à Lemnos, chez les Sintiens au langage barbare » (Odyssée, chant 8).

Chez Eschyle,  le choeur les vieillards perses supplient  Darius en
ces termes : « Le Roi égal aux Dieux m’entend-il pousser en langue barbare
mille cris divers, amers, lamentables ? Je crie vers lui mes plaintes lugubres. »

Le barbare est celui qui pratique une langue inaudible. C’est celui qui dit « br, br » d’où l’origine du mot. Les plus vielles civilisations sont dites barbares. Par exemple les Perses ou les Egyptiens, tout autant que les  peuples primitifs comme les Thraces. Par opposition, les Grecs forment une unité linguistique. Pour un Grec, l’humanité se divise nettement en deux groupes, le monde grec et le monde barbare. Le terme « barbare » ne signifie rien d’autre que non grec. Strabon au 1e siècle souligne l’évolution du terme (Géographie XIV). Une fois l'habitude prise de qualifier ainsi de barbares tous les gens à prononciation lourde et empâtée, les idiomes étrangers, j'entends ceux des peuples non grecs, ayant paru autant de prononciations vicieuses, on appliqua à ceux qui les parlaient cette même qualification de barbares, d'abord comme un sobriquet injurieux, puis abusivement comme un véritable nom ethnique pouvant dans sa généralité être opposé au nom d'Hellènes ». Des pratiques religieuses différentes des coutumes étranges. L’Oriental mange des choses insolites, s’habille comme une femme,  a des pratiques sexuelles qui le ravalent au rang des animaux, se prend pour un dieu mais se conduit comme une bête. Le barbare n’est pas tout à fait un homme. Selon Aristote dans la Politique  « Esclave et barbare, c’est par essence la même chose », affirme Aristote dans La Politique. Le Barbare n’appartient pas à une cité, il n’est pas soumis à des lois qu’il s’est données. Éleveur, il est rarement capable de cultiver la terre, « il ne connaît ni le blé ni la vigne », présent précieux de Dionysos. Il n’est pas hospitalier, et parfois même le voyageur égaré sur son territoire le découvre, trop tard, anthropophage[xviii] !

Des peuples qui ne connaissent pas la liberté. A l‘époque des guerres médique le terme est utilisé pour désigner les adversaires des Grecs. Le mot grec barbaros réfère à tous les non-Grecs sans culture, sans liberté, indignes de la citoyenneté. Cependant le discours est moins net qu’il en a l’air. Violaine Sebillotte écrit à ce sujet : « Le point de vue d’Hérodote sur les guerres médiques, et particulièrement la bataille de Salamine en 480 avant notre ère, n’est pas totalement conforme à la bipolarisation grec/barbare, qui organise et hiérarchise les individus et les groupes vivant autour de la Méditerranée à l’époque classique. En effet Hérodote est un métis d’Halicarnasse en Asie mineure, et il s’amuse plutôt à décrire dans cet engagement naval la provocation d’Artémisia, reine de sa cité en 480. Celle-ci, également métissée, prouve qu’une cité grecque peut être dirigée par une femme, y compris à la guerre. Artémisia, particulièrement avisée, se conduit certes de façon déloyale mais avec une adresse telle que les dieux semblent avec elle. En adoptant le point de vue du métissage, celui d’Hérodote, il s’agit ici de montrer que l’épisode ne valide ni ne renverse la hiérarchie grec/barbare mais révèle les résistances d’une autre réalité grecque, celle d’un monde mélangé, où les femmes ne sont pas toujours soumises aux hommes suivant les critères de l’Athènes du ve siècle Artémisia, Violaine Sebillotte, « Hérodote et Artémisia d’Halicarnasse »,Clio, n°27-2008, Amériques métissesp.15-33.

  
Conclusion. Le terme barbare à l’époque grecque semble recouvrir des réalités beaucoup plus diverses qu’à  l’époque hittite où  les critères de langue et d’identité culturelle  n’apparaissent  pas. Il traduit manifestement une exaltation de soi-même étonnant de la part d’un peuple qu’on présente comme étant l’inventeur de la démocratie. Le barbare ne peut pas être intégré. A cet égard on rappellera que l’initiative de Périclès en 451, la citoyenneté fut restreinte à ceux dont le père était citoyen et la mère fille de citoyen athénien.  Inversement la civilisation hittite semble beaucoup plus ouverte aux civilisations extérieures, persuadée que le barbare peut et abandonner l’inceste considéré comme la marque de la barbarie. Comme le souligne J. Freu[xix] : « Les Hittites n’ont jamais manifesté de sentiments d’hostilité de caractère ethnique ou religieux à l’égard des autres peuples » A cet égard on se rappellera que les Hittites tout en conservant leur langue indo-européenne ont accepté les échanges culturels et linguistiques avec les autres peuples. Seules les pratiques sexuelles « hors norme » les ont amenés à des désigner d’autres peuples comme des « barbares ».
Michel Mazoyer
Université de Paris 1



[i] Hayasa est situé dans la Haute vallée de l’Euphrate. Le Traité a été signé au début du règne de Suppiluliuma (Freu, dans Freu et Mazoyer, Les débuts du nouvel  empire hittite, Kubaba, Paris, 2007, p. 216-218.
[ii] Mazoyer, « Sexualité et barbarie chez les Hittites », Barbares et civilisés dans l’Antiquité, Cahiers Kubaba, 143-151.
[iii] V. 173-175, cités par Wilgaux  « Inceste et barbarie en Grèce ancienne », Barbares et civilisés dans l’Antiquité, Cahiers Kubaba, p.267.
[iv] Watkins, « La désignation indo-européenne du tabou », in Selected Writings, vol. 2, pp.24-25. Dans le monde grec peuvent être considérés comme criminel, outre l’inceste (mal défini), les adultères, une union sexuelle qui se déroule dans un sanctuaire, un amour monstrueux pour un animal, toute union non autorisée par une divinité (Wilgaux, loc.cit, 268).
[v] Freu, « Les barbares gasgas et le royaume hittite », Barbares et civilisés dans l’Antiquité, Cahiers Kubaba, p.61-99 (Barbares et civilisés dans l’Antiquité infra).
[vi] Alp, Hethitische Briefe auf Maşat  Höyük, Ankara, 164-165 (HBM 25) ; 173-175 (HBM 31) ; 200-203 (HBM 46) ; etc.
[vii] Alp, ibid. 148-152 (HBM 19).
[viii] Alp, ibid., 130-133 (HBM 8) ; Hoffner, « Middle Hittite Period » (Maşat Letters), The Context of the Scripture III,  2002, 47-48.
[ix] Beal, The organisation the Hittite Military, Heildelberg, TdH 20, 1992, 396-407.
[x] Alp, 1991, 134-137 (HBM 10) ; Hoffner, 2002, 48-49.
[xi] Alp, ibid, 138-141 (HBM 13 et 14) ; Hoffner, ibid., 49.
[xii] Alp, ibid., 134-135 ; Hoffner, ibid., 48-49 (HBM 10).
[xiii] Del Monte, « I testi  amministrativi da Maşat Höyük, /Tapika », OAM 2, 1995, 103-111.
[xiv] Hoffner, 2002, 61-72, pp.65-68.
[xv] Alp, 1979, 29-35 ; 1991, 200-203 (HBM 46).
[xvi] KBo VI 28 : 6-15 ; Goetze, Kizzuwatna and the  Problem of the Hittite Geography, New Haven, 1940, 21-26
[xvii] V. 173-175, cités par Wilgaux loc.cit.,  p.267.
[xviii] Voir http://www.historia.fr/content/recherche/article?id=26455
[xix] Freu, « Barbares et civilisés dans l’Antiquité », p.61.