lundi 31 mai 2010

Controverse sur le mot "barbare"


Que faire du barbare ? L’exemple de l’empire romain.
Relisons Paul Veyne, Sénèque. Une introduction, Paris 2007 (2e édition)
On affirme souvent que le stoïcisme affirme l’égalité de tous les hommes.  On estime que le Stoïcisme représente un progrès de la moralité publique et une affirmation de l’égalité de tous les hommes face à la loi universelle. Nous nous sentons aussi proche du dernier des barbares asiatiques que de nous-mêmes. Le stoïcien repose sur l’opposition entre l’imperfection et la perfection. Si l’on aime parfaitement les autres hommes on les aime tous pareillement et on ne s’abandon ne pas à la faiblesse qui veut qu’on aime certains plus que d’autres. Le cosmopolitisme stoïcien cache en fait un ethnocentrisme et un « patriotisme » fortement marqués. L’idée mise en valeur par Paul Veyne est que ce cosmopolitisme a entraîné un conservatisme.  Il   importe politiquement de ne rien changer ; le bon moyen d’aimer les barbares est de maintenir l’hégémonie de Rome pour leur bien. On affirme souvent que le stoïcisme a donné une importance accru au pauvre, au barbare. Selon Paul Veyne, rien ne permet de voir dans la philosophie de Sénèque les indices qui annonceraient un progrès social quelconque qui serait effectif un siècle après lui. Chez Sénèque on trouve des condamnations de la guerre mais aussi une affirmation des droits de Rome sur les peuples barbares.
A l’inverse le gouvernement de 2e siècle verra attacher une importance accrue  aux petites gens, aux cités indigènes et barbares. Il veut faire de l’empire une « coopérative du bonheur », sans que le stoïcisme ait anticipé ce mouvement.  Caracalla accorde en 212 la citoyenneté romaine à tous les habitants libres de l'Empire. C’était une évolution qui avait commencé à l’époque de Sénèque à l’initiative de Claude et à laquelle Sénèque aurait été totalement absent.  L’édit est d’autant plus progressiste selon nos critères d’aujourd’hui que les nouveaux citoyens peuvent conserver leur droit et leurs coutumes.  Justinien dénonce en 535-536 la survivance en Mésopotamie des mariages consanguins. On sait que l’inceste dans l’Antiquité passe pour une des manifestations les plus manifestes de la barbarie.  On sait pourtant que Caracalla a été un tyran sanguinaire. N’y a-t-il pas un certain anachronisme à voir dans cet édit la volonté de créer la citoyenneté universelle et paradoxal  de voir dans ce tyran sanguinaire un des fondateurs des droits de l’homme ?
 Pierre Essain

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire